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CRIMINOCONFLIT
9 avril 2013

Profilage criminel : assassinat de Hadjia Aïssa Diori Hamani.

Après le cas de Mohamed Mérah, nous prenons le challenge de proposer une ébauche d’analyse criminelle sur l’affaire criminelle : Aïssa Diori Hamani.

Avertissons dès l’abord que ceci est un essai criminologique, qui s’appuie sur le compte-rendu [témoignages] de la fille de Aïssa Diori Hamani, Hado Ramatou Diori Hamani.

Sa démarche est très courageuse en faisant partager à tous les amis de Facebbok, ses sentiments et ressentiments, après cet horrible carnage dont sa famille fut victime.

Criminologiquement, les témoignages de Hado Ramatou sont des paroles de proches directs, donc de la famille des victimes. D’où son intérêt pour le profilage criminel qui est aujourd’hui une discipline à part entière de la criminologie.

De jure, il reviendrait à des OPJ (officiers de police judiciaire), à des avocats de faire des enquêtes, d’ouvrir une instruction sur ces assassinats de la famille de Diori Hamaniqui s’apparentent juridiquement à une sorte de COLD CASE (affaires classées). Hado Ramatou et toute la famille Diori veulent une vérité objective de tous ces assassinats qui ne furent pas utiles, non nécessaires. Nous voudrions avec la permission de Hado Ramatou proposer une précompréhension criminelle en l’absence de la scène du crime et de la reconstitution des faits comme dans une vraie procédure judiciaire.

La première question qui se pose spontanément est celle de savoir pourquoi personnellement la première Dame ? Et pourquoi tuer sans discernement les autres membres de la famille ? Pourquoi aussitôt le palais pris, ne pas se contenter du Président qui n’a pas manifesté de résistance, et a même supplié les militaires de ne pas faire du mal à sa famille ?

Nous sommes d’accord avec Hado Ramatou qu’il y a eu sans conteste volonté délibérée de tuer prioritairement la Première Dame sur ordre exprès du Commandant Sani Souna Sido. Le Sergent Niandou l’a attesté devant leur frère Abdoulaye. L’autre preuve est donnée par le Lieutenant Ousseini qui devant la porte du palais voudrait finir le contrat : « Liquidez les enfants !». Les ordres étaient on ne peut plus clairs : éliminer toute la famille si possible.

Etant donné que le Commandant Sani Souna Sido était l’homme de confiance de Hadja Aïssa Diori, et surtout qu’il savait le coup d’Etat en préparation, il nous semble qu’il voudrait supprimer une Dame compromettante, gênante à tous égards, pour des motifs non avoués. Nous savons aussi que Kountché n’est pas tendre avec les militaires ripoux et malhonnêtes, et de surcroît des officiers véreux et vénaux comme Sani Souna Sido. S’il y avait eu un audit, on trouverait à coup sûr beaucoup de malversations financières de Sani Souna Sido, car la Première Dame lui donnait carte blanche et même le chéquier de la présidence pour des opérations diverses.

Du point de vue du profilage criminel, le Commandant Sani Souna Sido fait partie du type de « criminel narcisso-sexuel organisé » selon le Professeur Laurent Monet. Dans son témoignage, Hado Ramatou nous apprend qu’elle fut stupéfiée par le calme olympien du Commandant Sani Souna Sido la veille de l’assassinat de sa Maman. Cette attitude est spécifique aux criminels narcisso-sexuels, qui sont méthodiques, froids, organisés, et contrôlent tout du début jusqu’à la fin de l’action criminelle.

Pour revenir au cas qui nous occupe, c’est-à-dire les mobiles de l’assassinat de Aïssa Diori, il faut dire que militairement quand il y a un coup d’Etat, généralement, la cible est toujours le président politique, et son gouvernement. C’est seulement lorsque la première Dame dans la gestion du pouvoir a été vacharde, injustice, etc., qu’advient son arrestation, et, ou sa mise à mort ultima ratio. Pour le cas de Aïssa Diori, sa mort n’était pas accidentelle au regard des informations fournies par Hado Ramatou Diori.

Aujourd’hui pour expliquer un assassinat ou des assassinats, les criminologues ou les profileurs criminels sont les plus compétents. Mais ici et maintenant que faut-il entendre par criminologie et profilage criminel ?

La criminologie est entendue comme « la science qui étudie d’une part les facteurs de l’action criminelle et leur interaction, ainsi que les processus qui conduisent au passage à l’acte délictueux et d’autre part les conséquences répressives et préventives que l’on peut tirer de ces connaissances pour une lutte efficace contre la délinquance. »[1]. Quant au profilage criminel nous avons la très belle définition proposée Laurent Montet : « Le profilage criminel peut être défini comme le procédé permettant « l’identification des caractéristiques psychologiques grossières d’un individu sur la base de l’analyse des crimes que l’auteur a commis et qui apporte une description générale de cette personne »[2]. Pour le Professeur Raymond Gassin : « Le profilage criminel est _ et se veut_ une technique de police scientifique et technique qui entend répondre à la question : « Comment faire pour que les tueurs en série, ou éventuellement d’autres criminels, soient à l’avenir arrêtés au plus vite »[3]. Soulignons au passage que Profilage criminel est plus propre à la criminalistique en tant que« c’est une discipline qui a pour but de déterminer comment les crimes sont commis, de quelle manière les éclaircir, quels motifs ont joué, quels desseins étaient projetés. »[4].

Les deux disciplines sont aujourd’hui entrelacées, intriquées. Pour le dévoilement de la vérité dans les enquêtes de police, pour les avocats, le profilage criminel est d’un apport inestimable. Pour le cas de Hadja Aïssa Diori, les criminels sont tout désignés : Commandant Sani Souna Sido, le Sergent Niandou, et les autres qui ont tué les autres parents : le garde du Président Diori, les deux cousins, l’oncle (Moussa Kao), la tante, et d’autres. Bref, il y a eu un carnage, un quasi-génocide. De facto, à ce stade de l’analyse, le profilage peut s’arrêter. Mais Hado Ramatou ne serait satisfaite, car elle a l’intime conviction que ces crimes ne furent pas perpétrés uniquement sur les seuls ordres du Commandant Sani Souna Sido.

Etant donné qu’il existe des zones d’ombre sur cette affaire, la famille est donc en droit de douter sur le seul commanditaire. Il est possible en effet de subodorer d’autres raisons politiques, qui dépassent la seule motivation criminelle du Commandant Sani Souna Sido. Car un acte criminel, en l’espèce ce carnage de la famille Diori, n’est pas anodin. Les criminologues allèguent plusieurs causalités, dont entre autres : biophysiologiques, psychosociales (comme dans le cas Mohamed Mérah), psychomorales, etc. Mais ce qui est d’une claire évidence, c’est derechef la préméditation des assassinats. Le flair de Hado Ramatou le Jour de son arrivée d’Abidjan aurait du alarmer Hadja Aïssa. Mais la confiance qu’elle avait toujours accordée à Commandant du palais, a eu raison d’elle. Le coup d’Etat était facile sans grande résistance. Aussi est-il juste de se demander pourquoi tuer des innocents : les deux cousins, blesser le frère Moussa, et les autres ?

La raison de cette folie meurtrière fut donnée par le Sergent Niandou, qui avance clairement qu’ils ont été drogués. La violence des rafales, notamment les impacts de balles sur l’habit de Aïssa Diori et la baïonnette, prouvent si besoin est que certains militaires avaient eu des consignes fermes de tuer sauvagement et sans état d’âme. Après les rafales et la baïonnette, Hadja Aïssa était encore vivante [45 mn], donc manifestement il y a refus de porter assistance. Nonobstant le mobile de la légitime défense allégué, il y avait nécessité aussi de porter secours à la première Dame.

La scène de crime que nous pouvons intuitionner par la pensée prouve bien, que l’objectif était qu’elle trépassât, et enterrée manu militari. La violence des assassinats est la preuve encore qu’il y a eu homicide volontaire.

Mais par-delà ces éléments, émergent, se dévoilent grandement la personnalité des militaires désignés pour la sale besogne. Ces militaires-assassins nous offrent le modèle de criminels qui ont dévalorisé leurs victimes. Car il n’y a eu aucun égard de la personnalité de Aïssa Diori. En d’autres termes, et même si comparaison n’est pas toujours raison, il est possible d’avancer que les militaires-assassins pour passer à l’acte, ont agi à l’identique de ce que fera un tueur en série relativement à ses victimes, c’est-à-dire « dépersonnaliser » sa victime. Avec le tueur en série nous retrouvons très souvent des éléments de « dégradations » du corps de la victime. pour le cas de Aïssa Diori, le coup de baïonnette pour mutiler le corps.

Autre hypothèse particulièrement capitale et qui traverse, parcourt tout le témoignage de Hado Ramatou, le cœur du crime : ce sont les disparations subites des premiers tueurs : Niandou en proie à ses remords rend l’âme. Mort suspecte, d’où la nécessité de faire une autopsie afin de savoir s’il n’a pas été assassiné par X ; de même que Sani Souna Sido, qui meurt trois ans après. Là aussi il y a aiguille sous roche. Ce faisceau de morts subites, permettent en effet d’avancer qu’il y a quelqu’un qui avait tramé toute cette affaire macabre, et qui certainement n’existe plus. Mais des témoins existent certainement qui sont dans le secret. Je voudrais parler des services secrets nationaux et internationaux. A qui a profité réellement le renversement de pouvoir de l’ex Président Diori ? Qui le Président Diori gênait-il ?

Au total et pour plier cette réflexion, il faut dire que ce témoignage de Hado Ramatou offre aujourd’hui grâce à Internet de faire tomber les masques.La justice du Niger n’a rien à perdre à tenter pour une fois dans l’histoire judiciaire, à ouvrir une instruction et exiger des expertises légistes sur les deux corps du Sergent Niandou, et du Commandant Sani Souna Sido. Ce serait, nous semble-t-il une première pour la justice du Niger d’avoir une première expérience sur la preuve par l’autopsie et l’ADN. Ainsi la Justice ressortira grandie en ayant permis de faire la lumière sur un dossier criminel longtemps considéré comme un cold case.

Notre réflexion se voudrait juste une ébauche de profilage criminel, en attendant la seconde partie du témoignage de Hado Ramatou Diori. Ce qu’il est possible d’avancer de notre point de vue est qu’il y a eu initialement un coup d’état politique qui a dévié, dérapé, mieux qui a déjoué les plans initiaux des commanditaires en chef. Si on suit les propos de Cyril Gabriel, il ressort bien qu’il n’y a avait pas intention de tuer les enfants, mais seulement la Présidente qui doit bien représenter quelque chose d’important, de préférence morte que vivante. L’adage africain dit si bien que : « C’est le cheval que tu engraisses qui te tue ».

Pour nous il est sans ambages que la responsabilité de l’ancien régime est obvie, patente. Il y a eu un tissu de mensonges pour justifier le meurtre de la Première Dame Aïssa Diori afin de camoufler la responsabilité du régime d’alors. Madame Aïssa Diori ne pouvait pas faire face à des mitrailleuses et des blindés avec une arme de poing. Et sachant la présence de toute sa famille dans le palais, il serait folie de sa part de braver des militaires. Le témoignage de Hado Ramatou est donc fiable quand elle soutenait mordicus que sa maman n’avait pas fait face aux militaires arme à la main. Hado Ramatou et toute sa famille ont une chance de savoir la vérité, si chacun apporte sa petite parcelle d’information, pour une catharsis collective : comprendre et pardonner. Paix aux âmes des morts. Et courage à toute la famille Diori.

 Youssouf. M .M

Criminiphilosophe


[1] Dictionnaire des sciences criminelles, sous la dir. De Gérard Lopez et Stamatios Tzitzis, Paris, Dalloz, 2004, p. 208.

[2] « Profilage criminel et profileur », in Profileur, spécialisation ou professionnalisation ? sous la dir. De Laurent Montet, Paris, PUF, 2001, p. 19.

[3] « Profilage criminel et criminologie », in Profileurs, sous la dir. De Laurent Montet, Paris, PUF, 2001, p. 9)

[4] Dictionnaire des sciences criminelles, op.cit., p. 198.

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Commentaires
K
La mort de Sani Souna a eu lieu à Agadez pendant sa détention. A l'époque feu Bagnou Beydo et Kimba Kollo étaient respectivement Préfet et Commandant de Zone militaire d'Agadez. Je me suis rappelé du livre de Jacques Baulin, qui expliquait dans son livre "conseiller du Président Diori",l'humiliation qu'à fait subir Sani Souna à Kimba Kollo à qui il aurait arraché ses galons de Lieutenant en public.
S
Vous dites que Kountché n'était pas tendre avec les officiers ripoux ; mais vous expliquez comment la relation de clientélisme qu'il a impulsée avec ces mêmes officiers car on sait qu'il recevait les plus haut gradés chaque semaine et leur donnait une enveloppe ? Et l'enrichissement illicite de Bonkano, Kountché n'était pas au courant peut être ?
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