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CRIMINOCONFLIT
19 avril 2013

Politique : La force des armes comme tribunal de la démocratie.

1- La dérive du concept de « force publique ».

Le concept de « force publique » est aujourd’hui l’image du droit qui est sujet à variation, du fait de l’instabilité même des actions humaines. Le dessein de cet article est d’examiner les répercussions, voire les impacts insidieux des guerres intra-muros (rébellions, putschs militaires, et aujourd’hui les groupuscules armés de djihadistes). Le grand problème aujourd’hui ce sont les défaites de plus en cuisantes des armées républicaines en face de groupes rebelles ou de mouvements djihadistes. Nous savons depuis l’exemple somalien en 1990, et ceux récents de l’armée malienne et de la FACA de la Centrafrique, que toute défaite, ou déroute de l’armée met en péril l’Etat et la sécurité des populations. Les lois ne suffisent plus à protéger les Etats. D’où l’urgence de reprendre les choses de beaucoup plus haut.

Pourquoi l’institution de la « force publique » ? Sieyès donne un élément de réponse : «  A la « force privée » des hommes entrant en société va se substituer « la force publique » de l’état social, garantie du droit et de la loi, tout en cherchant d’autres garanties contre cette force évidemment susceptible de porter également atteinte à la liberté » (Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, 26 Août 1789, Histoire, analyse et commentaires, sous la dir. De Gérard Cognac, Marc Debene, Gérard Teboul,  Paris, Economica, 1993, p. 251)

Notre présente réflexion va donc partir de la situation politique de la Centrafrique qui ploie sous l’insécurité occasionné par la victoire de la selaka sur la FACA (Forces armées Centrafricaines). Du point de vue du droit interne et international, la seleka a violé le jus belli (le droit de la guerre) et le jus in bello entendu comme la conduite du combattant dans la guerre.

La mauvaise gestion, et le contrôle d’une force armée est un danger pour les libertés des citoyens (cas de la Bangui). Libérer un pays de la tyrannie d’un mauvais dirigeant est un bien, voire un mal nécessaire au sens du jus ad bellum. Mais quand les mêmes vainqueurs s’en prennent aux populations, il y a crime. La seleka (les combattants et leurs chefs) doit être traduite devant les tribunaux internationaux. Les exactions de la seleka contre les populations de Bangui peuvent les inciter à s’armer et se défendre en toute logique contre des bandits, des combattants pilleurs et délinquants. A la lumière de se qui se déroule en Bangui, il est juste de comprendre la résistance de certains Etats des Etats Unis, de renoncer au port d’armes, face à la menace toujours potentielle des malfaiteurs. Banalement et fatalement, n’importe qui aux étudiants est un tueur potentiel.

 Pour nous, il est d’une claire évidence que des forces combattantes telles que la seleka, ne correspondent à pas la véritable notion de la force publique telle que stipulée par l’article 12 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : «La garantie des droits de l’homme nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». 

Le concept de « force publique » tel que nous le retrouvons dans l’article 12 est aujourd’hui vidé de sa quintessence. La force publique est représentée comme Méphistophélès, dans l’exacte mesure où certaines forces armées violent, bafouent, les principes sacraux saints de l’article 12. Cette dérive trouve sa brillante illustration avec la junte militaire du Capitaine Sanogo, et dans un passé récent, en Guinée avec Dadis Camara. En bref, partout où l’armée républicaine échoue à respecter l’esprit et la lettre de l’article 12, il se produit un renversement de pouvoir, une violence militaire et politique. Or, dans l’esprit de l’article 12, interdiction est faite à l’armée de délibérer, c’est-à-dire « d’avoir accès à la raison politique » souligne le professeur Etienne Picard. Ce qui prévaut, c’est nous semble-t-il, que la force publique est réduite à son aspect de force (coercition), comme moyen d’accéder au pouvoir, ou comme en Bangui de renverser un pouvoir et de martyriser des populations.

Des groupuscules de combattants revendiquent aussi l’épithète de force armée, et de manière pathétique, échouent à incarner la force publique pour protéger les populations. On est in situ dans la dérive, dans la confusion des genres. D’où la violence contre l’Etat, contres les lois républicaines. Les groupes militaires, les rebelles, les combattants de la seleka, ne relèvent pas par essence du concept de force publique. Leur existence en tant que force armée résulte de l’incapacité de certains Etats en Afrique à bien subordonner la force publique à la Nation et à la Justice.

A la faveur de cette analyse, force est d’admettre qu’une « force privée », telle que la seleka, ne peut pas être républicaine, car l’actualité montre avec une lumière crue que la Seleka ne protège plus les populations. En l’absence de la vraie armée républicaine de Bangui (la FACA), nous assistons impunément à des exactions qui sont contraires à la notion de force publique. 

Il faut donc être honnête pour le reconnaître, les démocraties africaines auront besoin de militaires éclairés, des soldats-citoyens vertueux pour employer l’expression de V.J.O. Bertaud. Et si on peut paraphraser une formule du Professeur Etienne Picard : il serait très pédagogique et instructif de faire figurer le texte de l’article 12 en grandes lettres sur le frontispice de tout commissariat ou de toute caserne, et peut-être même, réduite à sa première phrase, se voir brodée en fil d’or sur le képi ou l’uniforme de nos agents, afin que le message puisse pénétrer jusqu’au fond des cœurs, pour y demeurer indéfectible.

La vraie politique doit s’apparenter à un art, et l’Etat comme une œuvre d’art disait un excellent professeur de droit. La tâche du prince/ou du dirigeant est d’œuvrer à la concorde intérieure, à la paix, à la sécurité, qui sont les conditions sine qua non de la bona vita dans une République. De ce point de vue, l’ordre et la stabilité sont essentiels à la fois pour l’effectivité des ces vertus politique, et pour l’accomplissement du citoyen (politês).

 Selon Max Weber dans Le Savant et le politique, il appartient à l’Etat l’usage légitime de la violence aux moyens de ses appareils répressifs : l’armée, la gendarmerie et la police. Relativement à la FACA : ne faut-il pas avancer dès lors que là où finit la force armée de la République, finit le véritable Etat civil et l’Etat de paix et de sécurité dans la cité ? Avec les rebelles de la seleka nous sommes aujourd’hui dans la transgression des lois internes et internationales : des violations flagrantes sur des populations et sur leurs biens, de leurs propriétés.

Dans la théorie du bellum justum (guerre juste), il n’est pas exagéré d’intégrer des rébellions justes et des rébellions injustes. Les rebelles de la seleka, nonobstant leur victoire sur les forces de François Bozizé ne sont pas dans la légitimité et la légalité, c’est-à-dire au sens où la guerre (bellum/polemos) permet d’instaurer un nouvel ordre, un nouveau droit meilleur que l’ancienne légitimité ; mais des hors la loi, des délinquants et des criminels, qui ne respectent pas le droit de la guerre, le jus belli.

Dans la politique intérieure des Princes qui nous gouvernent, Machiavel leur assignent la tâche sacrée de protéger l’Etat contre l’ennemi du dehors. Or, aujourd’hui l’ennemi du dehors est confondu à l’ennemi du dedans (les rebelles, les islamistes radicaux). D’où la nécessité de renforcer continuellement les capacités de la force publique. Car, si cette force publique périclite, il en va du devenir et de l’existence de l’Etat. Le défi aujourd’hui de nos Etats est de déterminer les ennemis du dedans, de neutraliser les inimitiés intérieures, afin de pouvoir se focaliser plus efficacement sur les ennemis venant du dehors. Platon dans Les Lois, donnait cette mission aux Législateurs de produire de bonnes lois pour vider les staseis (discordes) internes, pour protéger l’Etat de l’ennemi extérieur. Pourquoi ? Parce que les guerres intra-muros dévitalisent les forces et les ressources de l’Etat. Suivant Machiavel, une République bien constituée doit les vider par tous les moyens, afin de ramener la concorde dans la République.

 Claude Rousseau s’inscrit dans cette veine : « Ainsi l’histoire d’un peuple se confond-elle, sinon avec celle de ses armées, du moins avec celle de ses institutions militaires : leur vigueur ou leur faiblesse reflètent la santé ou la corruption des Etats. » (Claude Rousseau, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, Paris, PUF, 1970, p. 17).

En Bangui, la relation entre les combattants de la seleka et les Banguissois, n’est pas de la lune de miel, car la situation va de mal en pis. Le plus vulgaire des Banguissois voit bien que depuis que les combattants de la seleka sont dans la capitale, c’est l’insécurité totale et des assassinats. L’enseignement politique et juridique de cet état de fait déplorable, est que, toutes les fois où, un l’Etat, notamment la force armée (la FACA) a été défaite, les individus sont laissés à eux-mêmes, à la force brute des combattants de la seleka. L’instinct naturel, ou pour mieux dire la loi de la nature propre à chaque individu est de défendre sa vie et ses biens. Nous avons ici une excellente illustration de la légitime défense des Banguissois  aux combattants de la seleka qui constituent un danger, comme dans un état de nature Hobbien.

La seleka a instauré un état Hobbien de guerre de chacun contre chacun, de crainte et d’insécurité. Djotodia et ses rebelles doivent partir car ils sont incapables d’assurer la sécurité des Banguissois. En sus de, les exactions et les violences meurtrières contre les Banguissois, ont écorné la confiance entre les nouveaux maîtres et les Banguissois. Il n’était donc pas utile et nécessaire de renverser le régime de François Bozizé pour juste semer le désordre et la désolation.

Machiavel a donc raison d’avancre que : « Les guerres sont justes quand elles sont nécessaires ; les armes sont saintes quand elles sont notre dernier espoir. » (Machiavel, Histoire Florentine, V, 8, in « La doctrine de la guerre de Machiavel »,  La guerre et ses théories, op.cit., p. 20). Autrement dit, c’est toujours l’Etat malade qui appelle à sa rescousse la force armée.

2-La nécessité pour un Etat de disposer d’une bonne armée

Les armes supplantent de plus en plus et dangereusement les Lois. Machiavel a raison des siècles après de souligner : « ce qui permet la survie de l’Etat, c’est moins la qualité de sa constitution que celle de ses armées » (Claude Rousseau, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p. 25). Machiavel dans L’Art de la guerre, pousse même l’outrecuidance de soutenir que les armes « bien réglées » étaient capables de sauvegarder n’importe quelles institutions, « même plus ou moins déréglées » (L’art de la guerre, préface, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, p. 25-26). En d’autres termes, avec une bonne armée et une bonne police, un Etat n’aura à craindre de personne comme dans les Etats modernes. Pourquoi ?

Il faut en effet remarquer que « tous les prophètes bien armés furent vainqueurs, et les désarmés déconfits » (Le Prince, VI, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p.27-28). De la même façon que le Prophète Moïse avait triomphé en tant que prophète armé, de même le Christ désarmé, ne put faire face politiquement à ses ennemi/ adversaires (les Romains), en adoptant avec sagesse et non violence face à ses ennemis  le principe selon lequel : « Qui triomphe par l’épée, périra par l’épée ». Mais certains Papes de l’Eglise ne suivront pas ce pacifisme du Christ. Jules VII par exemple, « c’est par la crainte qu’il bouleversa le monde et qu’il éleva l’Eglise au rang où elle est » (Lettre à Vettori, 1514, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit.,  note 8, p. 28). Nous retrouvons cette même vérité historico-politique dans les Etats africains. L’usage des armes est devenu le moyen (machiavélien) de s’emparer du pouvoir contre la toute-puissance des lois.

D’Amadou Toumani Touré à François Bozizé, nous sommes dans l’actualité de la pensée de Machiavel : « Ceux-là seulement (les Princes ecclésiastiques) ont des territoires et ne les défendent point, ils ont des sujets et ne les gouvernent point » (Le Prince, XI, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p. 28). Autrement dit, tout Etat qui perd son substrat qu’est sa force publique, se perd avec elle.

Conclusion

Nos analyses confirment les thèses de tous ces éminents penseurs, auprès desquels le politique en Afrique ne vient plus prendre des leçons pour bien gouverner, surveiller, anticiper et punir. La guerre, la violence est devenue pour paraphraser Héraclite l’alpha et l’oméga des Etats africains. Le logos ne gouverne plus. Les individus préfèrent la seconde voie belliqueuse suivant Cicéron dans De officiis, I, §, 11, qui soutient qu’il existe deux voies pour vider un différent entre deux individus/ou un Etat : la voie de la discussion (logos) rationnelle, et la voie propre aux animaux qui est la force des armes, qui ne distingue point l’homme de l’animal. Si notre analyse est juste, on peut donc avancer pour dire, que la guerre est inhérente à la nature humaine et dans la loi de la conservation de soi. Plus exactement, les conflits sont les germes des démocraties africaines. Car chaque fois qu’un Etat en Afrique parvint à une certaine acmé, il périclite lamentablement comme si les dieux de l’Olympe sont hostiles à un progrès de la démocratie en Afrique.

Pour nous la réponse pourrait se trouver chez Hobbes : si l’homme est naturellement un « loup pour l’homme » à l’état de nature, dans l’état politique, le politique est le loup de la démocratie, car c’est par ses mauvaises actions, par ses injustices que se produisent les guerres civiles, les rébellions, les coups d’Etat, et aujourd’hui « l’islamisme démagogique » qui brique, convoite le pouvoir. D’où le danger qui menace la force publique en tant qu’institution. Notre vœux serait « A new form or in the new hands »: autrement dit, le people doit replacer le pouvoir dans de nouvelles mains.

 

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