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CRIMINOCONFLIT
8 août 2015

Terrorisme fondamentaliste

 

Edmund Burke écrit : « « La seule chose nécessaire au triomphe du mal…C’est l’inaction des gens de bien ».

Nous sommes dans un monde d’intérêts hétérogènes, et chaque intérêt a une intentionnalité pour exprimer dans le lexique de Husserl. Le terrorisme est un moyen ultime pour atteindre un intérêt spécifique. A l’instar des partis des politiques, les groupes terroristes sont constitués, structurés au sein de relations sociales (on peut parler à ce niveau de sympathisants, de militants, des dirigeants, des pères fondateurs, etc.). Il est aisé d’observer en leur sein des compétitions ardues comme dans la sphère politique pour briquer, ou s’accaparer des postes de décision ou de direction. Ces groupes terroristes sont aussi organisés, à l’instar d’une entreprise qui dispatche des fonctions (division du travail). Ainsi, tout comme les partis politiques, les groupes terroristes rivalisent de talents et d’industrie pour s’ériger en hégémon, en pouvoir suprême comme la nébuleuse Al-Qaida avec Ben Ladan, et aujourd’hui l’O.I (organisation Islamique) qui veut être le grand Leader du mouvement Terroriste. D’où les diverses allégeances que nous constatons. On peut parler ici et maintenant d’intérêts personnels, et des intérêts de groupe. Au nom de cet intérêt de groupe, les terroristes sont capables d’orchestrer des attaques simultanées et collectives. En d’autres termes, ils sont capables aujourd’hui de mobiliser comme les partis politiques des militants, des sympathisants, et des soutiens pour perpétrer des attentats-suicides, et des attaques meurtrières contre les Etats. Aujourd’hui la France, et l’Afrique en l’occurrence sont confrontées à cette stratégie, à cette nouvelle guerre où l’ennemi est partout et peut être n’importe qui. N’est-ce pas en plein mois de Ramadan que les attaques terroristes s’intensifient un peu partout ? Que des attentats sont commis même le jour où les musulmans fêtent la fin du ramadan ? On est en droit de se demander qui sont-ils exactement ? Que visent-ils ?

Il nous semble important et urgent de nous attarder sur ce phénomène appelé terrorisme fondamentaliste. Le terrorisme dans sa forme fondamentaliste, radicale, barbare nous rebute en tant qu’africains dans nos valeurs, dans nos us et coutumes. Il nous est difficile partant de nos repères africains de tolérance, d’accueil de l’étranger, d’altruisme, de solidarité, de partage, bref d’humanisme, de cautionner la violence spécifique au terrorisme fondamentaliste. Criminologiquement, il nous semble qu’il faut apprendre à réévaluer la dangerosité de ce phénomène du djihadisme fondamentaliste. Nous observons bien leur mode d’action inhumaine : la décapitation, qui est une signature criminelle aux antipodes de nos valeurs culturelles. Aujourd’hui nous nous égarons et, sans méfiance aucune, nous jugeons les choses faussement à l’aune du religieux, alors tout se déroule sous des versants politique, économique, et criminel. Le mouvement djihadiste dépasse le cadre de la territorialisation (le fait de se constituer un territoire, ou de s’accaparer d’un territoire), car il y a velléité absolue de réifier des consciences, des sociétés entières. Les djihadistes veulent  faire table rase de toutes les nouvelles valeurs. D’un mot, ils veulent imposer une nouvelle Weltanschauung (« vision du monde »), une culture islamiste pure et dure qui ne nous ressemble plus, qui relèverait simplement d’une métaphysique, car ces islamistes sont idéalistes, et ne vivent pas « existentiellement » les mêmes conditions d’existence matérielle, morale, économique et politique que les autres sociétés. Leurs attitudes vis-à-vis de la religion, leur mode de vie est ce qu’on appellerait prosaïquement : fondamentalisme religieux, au sens où tout est stricto sensu centré sur le Coran qu’ils défigurent et souillent dans leur foi aveugle (fanatisme).

Le fondamentaliste est de ce point de vue un malade religieux qui s’ignore. D’où criminologiquement sa dangerosité. Dans leur foi aveugle, les fondamentalistes croient toujours détenir, ou posséder la Vérité, d’être les seuls à aimer authentiquement la divinité. C’est dans cette optique que nous les identifions à des « illuminés », des névrosés, des psychotiques (paranoïaques, et schizophrènes) ou des psychopathes pour certains. Partant, on peut accepter le sens suivant du fondamentalisme qui désigne dans le domaine religieux l’attitude de ceux qui préconisent un retour à la doctrine fondamentale de leur religion, et à sa stricte et rigoureuse observation. L’autre terme qui lui sied bien est l’intégrisme. Aussi fantasment-ils sur un retour à l’orthodoxie, à l’Islam des premières heures. Chronologiquement, historiquement, et politiquement, ne sont-ils pas en retard par rapport aux réalités de nos sociétés modernes et islamisées qui sont partisans de l’aggiornamento ?

Le salafisme par exemple se veut un mouvement radical par rapport aux prescriptions coraniques. Il prône une interprétation rigoriste du Coran. Aussi, les mouvements salafistes choisissent-ils comme mode d’action le terrorisme pour lutter selon eux contre l’envahisseur, ou l’ennemi : les Etats-Unis, Israël. Le salafisme est la version la plus radicale du Wahhabisme, qui est un mouvement remontant au XVIIIe siècle, qui l’a emporté en Arabie Saoudite. Il prône le retour à la « lettre » du Prophète.

Sans être très exhaustif, nous pouvons nous appesantir sur la liste succincte des grandes figures du terrorisme proposée par Charles Emmanuel Guérin (Consultant et officier de sécurité) et François Géré, afin d’avoir une vue holistique de l’idéologie fondamentaliste. Nous pouvons citer les Frères Musulmans, eux-mêmes issus de l'idéologie de la secte des Assassins ; Al-Qaïda ; le Hamas (Mouvement de résistance islamique (org. Sunnite palestinienne), le Fatah, le Djihad Islamique, Al Gama'a Al Islamiyya (ou Jamaat al-Islamiya (Egypte), le Hezbollah (org. Chiite, Liban), GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Algérie), Groupe islamiste armé (GIA, org. sunnite, Algérie), Absat al-Ansar (org. sunnite, Liban), Brigade des martyrs d’al-Aqsa (islamistes Palestiniens), Djihad islamiste égyptien, Djihad islamiste Palestinien, Jemaah islamiya (Indonésie), Groupe Abu Sayyaf (org. Islamiste, Philippines),  Harakat ul-Moudjahidine (org. Islamiste, Pakistan)…, et aujourd’hui les deux stars du terrorisme mondial : Daesh (Organisation Islamique) et Boko Haram. Mais auparavant insistons sur la secte des Assassins. Qui sont-ils ?

Un survol de l'histoire est ici essentiel, afin de toucher du doigt leur idéologie, leurs revendications.

La secte des assassins, est une société initiatique fondée à la fin du XIe siècle (cf. B. Lewis, Les Assassins : terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Paris, Berger-Levraut, 1982). Selon E. Guérin, son fondateur, "Sayyidna Hassan Bin Sabbah" (1034 -1124), fils d'Ali, né à Kom, converti à la foi des Ismaéliens, est surnommé " le vieux de la Montagne " (titre du Grand Maître de la secte qu'il va bientôt créer). Il déclara : « quand nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille", ou encore : "il ne suffit pas d'exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d'entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l'admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous". Les exécuteurs de la secte des Assassins sont les Fidaï, mot arabe qui signifie "ceux qui se sacrifient, qui ont la foi", connus à notre époque sous l'appellation de "fedayin" depuis la guerre du Liban ». Cette aptitude ou capacité au suicide-sacrifice est propre également aux Frères Musulmans ainsi que le Hamas et les autres groupes terroristes. On peut parler soit d’idéologie commune, ou d’origine commune. Ainsi qu’il apparaît, le chef, voire le Fondateur d’une secte religieuse, ou d’un mouvement extrémiste religieux est hypostasié au rang de divin. Son pouvoir supplante même les liens familiaux, c’est-à-dire la relation de domination père et fils. Ce que dicte le fondateur est érigé en règle d’or, en préceptes sacro-saints. Ainsi, le Moudjahidine, ou le terroriste, pire le Shahid endoctriné, est capable de tuer de  manière aveugle parce que le guide ou le fondateur l’a exigé. Shekau Aboubacar à la tête de la secte Boko Haram œuvre dans ce sens, il veut devenir une sorte d’Ayatollah au Sahel, d’où le changement de dénomination : « Gens de la sunna, de la prédication et du jihad ». Un des fanatiques de Boko Haram natif de Diffa a franchi le Rubicon en décapitant son propre père, afin de servir d’exemple, et de foi extrême vis-à-vis des enseignements de Shekau Aboubacar.

Cette mise en scène de la mort, est visible chez les étudiants en théologie appelés « Talibans » restés fidèles à la doctrine de leurs maîtres à penser : Hassan Sabbah, car trancher des têtes permet dans leur entendement d’instaurer l’ordre et la discipline , et cela doit commencer par la décapitation des proches (la famille et des amis) qui enfreignent les dogmes, ou qui dévient des codes. Aussi est-ce la raison pour laquelle lorsque les fanatiques, ou fondamentalistes commettent des atrocités de manière flagrante, ouverte, ils ne cherchent pas souvent à fuir, mais à finir en martyr, en acceptant de mourir pour rencontrer joyeusement Dieu. « Bassamat al-farah », le « sourire de joie », désigne l’expression extatique qui est censée se trouver sur le visage des martyrs. Plus exactement souligne Jean-Luc Marret: « Chahadat, dans notre culture et notre religion, n’est pas un sanglant accident. D’autres confessions, d’autres peuples entendent le martyre comme le trépas du héros tué par l’ennemi. Il s’agit d’une tragédie, et celui qui meurt ainsi reçoit le nom de martyr. Mais, pour nous, Chahadat n’est pas imposé à un moujahid par l’ennemi. C’est une mort désirée, choisie dans la clarté, en état complet d’éveil, en toute logique, en pleine conscience […] Celui-là qui fait de la mort brûlante un symbole d’amour, un témoignage de vérité, celui-là est un martyrIl vit. Il est là, parmi nous. Dans le giron de Dieu, pour toujours mais aussi partout, dans le cœur de la masse des fidèles. Celui-là, en revanche, qui choisit le déshonneur pour sauver sa vie, celui-là, devant l’Histoire, n’est qu’un répugnant mort-vivant. En guise d’exemple, le conducteur du camion qui dévasta l’ambassade américaine, en avril 1983, exprima un sourire à un soldat américain de garde qui se trouvait à proximité de la trajectoire du camion avant l’explosion. » (Jean-Luc Marret, Techniques du terrorisme, Paris, PUF, Coll. « Défense et défis nouveaux », 2000).

On voit ainsi la différence d’avec les autres groupes terroristes qui perpètrent des attaques et prennent la poudre d’escampette. Les vrais fondamentalistes ne fuient pas, ils assument leurs actions violentes sur le terrain jusqu’à la mort. Aussi sont-ils plus à craindre que les minus terroristes prompts à déguerpir ou se cacher. Il s’ensuit donc que les fondamentalistes sont plus à craindre, car ce sont les « FOUS de Dieu » que les terroristes narcotrafiquants et preneurs d’otages qui sont aujourd’hui plus nombreux. Afin de mieux montrer la réalité de la violence terroriste, la banalité de la vie, le mépris du semblable ou ce que j’appelle dans le langage criminologique la « dépersonnalisation » qui est la phase extrême de la déshumanisation, il nous semble pertinent de passer par le comportement d’un groupe fondamentaliste très connu : les Frères Musulmans.

En matière de terrorisme, les Frères Musulmans (Al-Ikhouan ul-Muslimine) peuvent être considérés comme les archétypes, les modèles de tous les groupes terroristes fondamentalistes (nous nuançons et soulignons ; il y a des « terroristes », et des « terroristes fondamentalistes »). Cette secte radicale fut fondée en 1928 en Egypte par Hassan El-Bana, le grand-père de Tariq Ramadan, dont les modèles politiques n’étaient autres qu’Hitler et Mussolini (cf. Les sectes secrètes de l’Islam, de l’ordre des Assassins aux Frères musulmans, Philippe Aziz, Robert Laffont, 1983 ; à lire aussi B. Lewis, Les Assassins : terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Paris, Berger-Levraut, 1982). Hassan El-Bana vilipende l’Occident qu’il accuse comme le Mal par excellence. L’Occident est la cible des fondamentalistes. Boko Haram s’est inspiré de cette idéologie : Boko Haram signifie : « l’école occidentale est néfaste, ou mauvaise ». Dans leur entendement,  l’Occident dénature la jeunesse ; et les valeurs qu’il véhicule sont des valeurs qui nuisent à l’Islam, aux jeunes égyptiens.

Il est très instructif aujourd’hui d’insister sur ce personnage atypique. Selon E. Guérin que suivons comme guide des lieux, il souligne clairement partant de la lecture de l’ouvrage de Philippe Aziz (Les sectes secrètes musulmanes, de l’ordre des Assassins aux Frères musulmans, Paris, Robert Laffont, 1983) qu’Hassan El-Bana est foncièrement un extrémiste, car il soutient : « Il est dans la nature de l’Islam de dominer et de ne pas être dominé, d’imposer sa loi à toutes les nations et d’étendre son pouvoir au monde entier ». Philippe Aziz avance que les Frères musulmans considéraient la décadence de l’Egypte comme « un châtiment infligé par Allah aux peuples du Moyen-Orient pour n’avoir pas respecté la Charia». D’où leur velléité de changer, de renverser l’Etat égyptien de modèle occidental par un Etat islamique conforme aux enseignements du Coran. Afin de parvenir à leurs fins, les Frères musulmans sont passés à l’action violente : le terrorisme (sabotages, assassinats, attentats meurtriers, etc.). Mais le nec le plus ultra, c’est que nonobstant la disparition du fondateur, l’idéologie demeure, car elle est rigoureusement enseignée dans les « facultés du Koweït, du Qatar et d’Arabie Saoudite ». Ainsi qu’il apparaît, les liens entre les Frères musulmans et les groupes terroristes de par le monde sont on ne peut plus obvies, car ils disséminés à travers le monde : en Iran, en Irak, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Égypte, dans la bande de Gaza, au Liban, en Syrie, au Soudan, au Yémen, au Pakistan, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Yougoslavie, au Kosovo, en Albanie, en Libye, en Algérie, etc. (A suivre, le Profil terroriste)

 

 

Dr. Youssouf Maïga

Sécurité Publique

(IPAG, Université d’Auvergne, France)

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