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CRIMINOCONFLIT
19 mai 2012

La rationalité du chaos politique en Afrique

Les dirigeants politiques ont-t-il un réel souci de la res publica en Afrique ? La recherche de la paix est-elle conforme à des régimes autocraticodémocratiques ? A qui profite en in fineles guerres civiles et révolutions en Afrique ?

Epicure : l’illimitation, comme cause de tous nos malheurs :« la chair pose les limites du plaisir comme illimitées, et illimité est le    temps qui le lui procure. Mais la pensée, qui s’est rendu compte de la fin et de la limite de la chair, et qui a fait disparaître les craintes au sujet de l’éternité, procure la vie parfaite, et n’a en rien besoin, en plus, d’un temps infini ; mais ni elle ne fuit le plaisir, ni, quand les circonstances ont amené le moment de quitter la vie, elle ne meurt comme s’il lui manquait quelque chose de la vie la meilleure » (Maxime XX, Epicure, lettres et maximes, trad. Marcel Conche, PUF, Paris, 2005, p.237).

Dans l’Iliade d’Homère n’y pas que la guerre et l’art de la guerre qui sont mis en exergue, mais aussi l’éthique de la guerre, le respect des morts, des populations. Par exemple, il indigne d’un guerrier tel qu’Achille de s’approprier le cadavre de son adversaire tel un trophée, sans laisser à ses proches, la possibilité de lui rendre    une vraie sépulture digne de son rang. Dans la République de Platon, Socrate aussi condamnait les guerres entre grecs qui sont à éviter. Car l’ennemi de la Grèce, c’est le barbare perse et non    les grecs.

Partant de l’histoire, nous comprenons dès lors sans peine, pourquoi les guerres se déroulaient d’abord en dehors des murs des cités. Or, aujourd’hui nous sont dans la guerre civile cruelle (polemos epidemios    ôcruoeis), intra-muros, qui ne fait    aucun cas du sort des populations, qui bafoue leurs droits d’exister, de vivre et d’être en sécurité. L’exercice de la démocratie en Afrique s’est transmuté en conflits meurtriers, en crime de guerre contre des populations. Dans ces nouvelles guerres civiles, il n’y a plus de respect de textes et des conventions internationaux qui réglementent le droit de la guerre. Les violences en Côte-d’Ivoire et en Libye dépassent les normes de la décence, car nous sommes crûment dans la barbarie de la conservation du pouvoir. N’y a-t-il pas lieu alors de savoir de prima facies    ce que signer gouverner une polis/ou un Etat ?

Gouverner en démocratie présuppose et suppose deux choses : d’une part œuvrer (ergon) pour la concorde sociale qui est une condition sine qua non de l’ataraxie politique, et de l’autre sauvegarder la polis/ou l’Etat contre toutes les causes de troubles. Aussi longtemps que ces deux attitudes vertueuses de gouverner sont absentes dans l’âme d’un gouvernant, nous ne sont    pas dans une bonne politeia (constitution, ou régime).

Or, il se trouve qu’en Côte d’Ivoire, le dirigeant battu_ Laurent Gbagbo_ lors des dernières élections présidentielles, a une formation universitaire censée l’aider à bien gouverner comme le préconisaient Platon et Aristote. Mais hélas, dès fois, les universités produisent aussi des monstres politiques qui    tuent leurs peuples, alors qu’ils devraient les servir et les protéger.

Le paradoxe de cette attitude politique de Laurent Gbagbo qui confine dans le ridicule et le risible, c’est le vaincu qui rechigne à quitter le pouvoir, et à vouloir imposer sa dictature contre le pouvoir reconnu et légitime d’Alassane Ouattara. La démocratie africaine est rentrée dans une nouvelle dérive, celle de la dictature de la minorité, celle des vaincus. En jetant leurs partisans dans les rues, et en les invitant même à commettre un génocide rwandais, Laurent Gbagbo et ses patriotes sont aux yeux des lois nationales et internationales des criminels.

La démocratie ne doit pas s’identifier à cette apologie du droit du plus fort qui la thèse du Calliclès du Gorgias, ni celle du Prince de Machiavel qui conseils au Prince de savoir conserver son pouvoir par tous les moyens. La démocratie d’aujourd’hui est héritière d’une longue tradition de droits de l’homme, qui récuse justement que de simples individus portent atteintes aux droits de leurs concitoyens de façon totalitaire.

En refusant le verdict des urnes, Laurent Gbagbo nie en réalité la démocratie et l’état de droit qui le caractérise, nie l’intérêt du peuple doit transcender son intérêt particulier. De la même manière que Mouammar Kadhafi (Cf. précédent article) qui assassine son peuple, de même Laurent Gbagbo est coupable aujourd’hui de crime contre l’humanité, de violation massive des droits de l’homme. Entre ces deux despotes il y a sans conteste gémellité.

Face aux troubles apolitiques qui déchirent le continent africain, depuis la Libye, jusqu’en Côte-d’Ivoire, l’enseignement du philosophe grec Epicure (371-271 av. J.C) sur les causes des staseis (conflits politiques, ou troubles politiques) trouve toute son actualité, et sa vérité pratique. On a toujours pensé que le philosophe du Jardin (Epicure) ne se souciait que du bonheur de sa communauté, alors qu’en réalité, il a depuis fort longtemps diagnostiqué, tel un médecin, les causes du malheur des cités et des hommes politiques,qui se résument en un seul terme : « l’illimitation ».

Et si nous sommes dans un régime démocratique, donc fondamentalement établi sur le contrat_ Hobbes, Rousseau_, nul ne doit enfreindre les lois établies, a fortiori le Prince. Epicure enseigne en effet que : ne pas savoir se limiter et enfreindre délibérément le contrat, c’est s’exposer à la violence d’autrui. Et au plan politique, c’est entrer en dissidence contre les lois de l’Etat. Partant, n’est-ce pas se constituer délibérément un hors la loi et un délinquant ? Les dirigeants africains se constituent-ils délibérément comme des hors la loi ?

Dans l’optique d’Epicure, si des staseis, des guerres, et des conflits interindividuels se déclenchent un peu partout dans le monde, c’est parce que les individus outrepassent ce que veut le droit de nature. Et cette « illimitation » est cause de désordre politique d’insécurité. Mieux, chez Epicure, comme chez Colotès (un disciple), il y a potentiellement risque de chaos social et politique, aussi longtemps que les hommes ne s’en tiennent pas aux lois justes qui garantissent la sécurité de tous.

A ce niveau de notre analyse, les propos de Colotès ne sont sans intérêt, lorsqu’il affirme par la bouche de Jacques Boulogne que : « ceux qui ont    institué des lois et des usages, et qui ont placé les cités sous le gouvernement des rois et des magistrats ont introduit beaucoup de sécurité et de tranquillité dans l’existence, qu’ils ont délivrée des troubles ; qu’on supprime ces institutions, nous vivrons comme des bêtes sauvages et peu s’en faudra que le premier venu ne dévore celui que le hasard mettra sur son chemin. » (In le Col. De Plutarque, cité par Jacques Boulogne Plutarque dans le miroir  d’Epicure, Septentrion, PUF, 2003, p. 184). Autrement dit, pour que les lois ne soient pas exposées à la variabilité[1],  mieux à l’Anakyklosis : cycle de succession, au sens de changement de gouvernement, dans la polis athénienne, Epicure prône le retour au contrat, l’acceptation des lois pérennes, pour une constitution inamovible.

En fonction de ce qui suit, il va sans dire que si les hommes acceptent volontairement le contrat et que certains agissent injustement contre les lois établies, il y a nécessité alors de les punir sévèrement. D’où aujourd’hui l’impératif de sanctionner et même de faire la guerre juste contre les dirigeants délinquants, voyous et criminels tels que Laurent Gbagbo, Kadhafi, et leurs    apparentés.

Par leurs actions nuisibles contre les intérêts de leurs peuples, ils ont concouru à alimenter le lit du grand banditisme d’Al Qaida et d’AQMI. D’où notre préoccupation, ces conflits et révolutions, mieux ces nouvelles « guerres internes » ne profitent-elles pas aux    criminels ?

S'il y a quelque part quelqu'un qui se plie e à quatre pour rire, ou qui regarde tous les conflits en Afrique, c'est à coup sûr AQMI. Partout où s'allument des conflits_ ce que les grecs nomment staseis_ AQMI jubile, mieux jouit de profiter de la grâce de la Déesse Tyché (la Fortune). L'adage ne contredit pas les faits actuels : "le malheur des uns fait le bonheur des autres".

Pendant que tous les regards sont focalisés sur la chute des tyrans, tout le monde, sauf peut-être les esprits les plus vigilants, s'inquiètent ou observent ce que pourrait entreprendre AQMI, aussitôt après tous ces troubles politiques. Car, c'est bien beau la révolution, mais lorsque qu'elle perdure sur des bases d'instabilités ou d'inorganisation, elle ne peut qu'inquiéter. Ceci pour dire que ce ne sont pas toutes les révolutions qu'il faut féliciter ou applaudir au nom des droits de l’homme. Mais ces diverses révolutions, ou velléités de changements sont en train de creuser le lit criminogène de l'Afrique.

Il est temps que tous ces conflits, et cette prolifération d'armes cessent en  Afrique. Car plus l'Afrique sombre dans les conflits, les guerres internes_ car il n’y a plus de guerre entre grandes nations_ et la criminalité transversale, plus elle est désorbitée de ces    vrais objectifs. La guerre et les conflits nuisent au devenir de l'Afrique, et infantilisent la pratique politique des africains comme pourrait le dire le sage Héraclite d'Ephèse à l’endroit de ses concitoyens.

A quoi final rime tous ces conflits ou révolutions dites du Jasmin qui font la Une des quotidiens Occidentaux?

Le contact est amer: hier comme aujourd'hui, les dirigeants africains par leurs conduites criminelles et barbares corroborent la thèse officielle que les dirigeants africains resteront d'éternels sanguinaires, corrompus et assoiffés de pouvoir, et prêts à tout pour le conserver. Le temps donne raison aux axiomes politiques. En effet, l'Afrique a cette tare ombilicale de ne jamais récuser des axiomes politiques: la guerre et les conflits sont l'alpha et l'oméga de ce continent. La nouvelle génération doit refuser cette vue obsolète et revendiquer aujourd'hui une Afrique saine et mature.

Pour plier cette réflexion, nous dirons que la condition de la paix aujourd’hui en Afrique, et le retour à une    sécurité acceptable, c’est de consentir à la reformulation des lois de types draconiennes dans la perspective d’un nouveau code juridique pénal international. Pourquoi ?

La nouvelle tendance vicieuse des dirigeants africains et arabes est de chercher après chaque mandat de s’arc-bouter au pouvoir, en violation flagrante des constitutions internes, et des droits internationaux. Ces différents conflits et révolutions, sont la preuve éloquente que les dirigeants n’ont pas suffisamment la culture du respect des suffrages. En lieu et place, il y a rejet de    la volonté du peuple, refus de la vraie démocratie tout court. S’il y a fréquemment usage de la violence physique sur les innocentes populations, il y a nécessité et urgence, d’appliquer de nouvelles méthodes plus coercitives contre les dirigeants hors la loi, si véritablement les nations veulent un droit international efficient.

Terminons alors avec cette pensée d’Epicure : « celui qui connaît les limites de la vie sait qu’il est facile de se procurer ce qui supprime la douleur due au besoin et ce qui rend la vie tout entière parfaite ; de sorte qu’il n’a en rien besoin, en outre,    des choses qui comportent de la lutte (agôn) » (Maxime XXI, Marcel Conche, op.cit, p. 237)

 

Youssouf Maiga Moussa

Doctorant en philosophie

DESS sécurité publique

youssmaiga@yahoo.fr

 

 

 


[1] Epicure reconnaît l’existence du droit dans toutes les sociétés, et que les lois sont variables d’une société à l’autre. D’où la        prénotion du droit.

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