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CRIMINOCONFLIT

10 août 2015

Bonne gouvernance: le droit au bonheur des peuples africains

 

Lors de son périple à travers l'Afrique, le Président Américain Barack Obama s'est adressé aux dirigeants du continent lors d'un discours prononcé en Ethiopie « Les progrès démocratiques en Afrique sont en danger quand des dirigeants refusent de quitter le pouvoir à l’issue de leur mandat ». Quand nous écoutons ou lisons le Président Africain, nous sommes intellectuellement satisfaits, car il y a existe encore des dirigeants qui sont fidèles aux Lumières de Kant, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot, etc., bref tous les éminents esprits qui ont défendu au péril de leur vie les valeurs républicaines, les droits de l’homme. Le Président Barack Obama s’est en effet inquiété du « Progrès démocratique » en Afrique. Il constate tout comme nous, et vous certainement, que la démocratie en Afrique est dans un schéma paradoxal fait de recul, de mi-avancée, de zigzags, et de stagnations. Au total, il est juste de parler de « danger », car en exerçant mal la démocratie, les dirigeants africains produisent consciemment les germes de la violence, et de manière collatérale, les conflits et les violences ouvrent aujourd’hui toutes les brèches aux islamistes et autres fous de dieu. La raison essentielle selon Barack Obama : c’est le refus des dirigeants de quitter le pouvoir après leur mandat. Pourquoi alors ce refus ? Essayons quelques pistes partant de notre propre contexte : le Niger et ses dirigeants.

D’emblée retenons avec le philosophe français Montaigne (1533-1592) auteur des Essais, qu’ « On ne corrige pas celui qu’on pend, on corrige les autres par lui ». (Montaigne, livre, III, 8). Ainsi que nous aimons le réitérer le pouvoir  n’est pas un lit de relaxation, car gouverner démocratiquement, c’est aussi s’attendre à une rédhibition de comptes. Beaucoup d’hommes politiques nigériens pensent qu’une fois qu’ils sont au pouvoir, c’est Alléluia ! Mais, ils se trompent, car il y a un glaive qui les attend à la fin de leur mandat. On a les cas éloquents de Hussein Habré, Laurent Gbagbo, ATT (Amadou Toumani Touré), Blaise Campaoré (recherché par la justice du Burkina) que le temps rattrape. L’Etat de droit, implique aussi une justice post mandat. Autrement n’importe qui peut venir faire n’importe  quoi au pouvoir comme dans une foire. C’est le philosophe Platon en cette matière qui a raison d’avoir enseigné historiquement et politiquement que l’art politique, c’est-à-dire la direction ou la gestion de l’Etat n’est pas la prérogative des médiocres et des ignorants. Rétrospectivement, il nous semble que l’erreur de Baba Tandja, nonobstant son expérience politique et son âge fort avancé, est d’avoir oublié que le pouvoir démocratique n’est pas un Sarcophage, mais aurait dû comprendre que sitôt qu’un mandat vint à terme, il faudrait laisser la place aux autres. Si Baba Tandja avait profité de sages conseils, il aurait rectifié le tir en brave. Il aurait eu droit à une certaine dérogation comme à l’Université. Mais comme disaient les grecs on ne peut pas raisonner quelqu’un qui est obnubilé après le pouvoir à l’instar de Denys de Syracuse.

Après plusieurs expériences démocratiques faites de haut et de bas, Il est temps de ramener sérieusement l’Etat de droit au Niger, c’est-à-dire sous les auspices des lois constitutionnelles. Tel fut le aussi le message poignant du Président Américain aux dirigeants africains (et aux futurs, car Barak Obama songe à l’avenir du continent avec des dirigeants modernes et respectueux du bonheur de leurs peuples). Si fatalement les civils font un faux jeu avec les institutions démocratiques, il faille penser et mettre en place un autre garde-fou, c’est-à-dire une Autorité Militaire de Surveillance de la Démocratie (A.M.S.D : l’Autorité Militaire de Surveillance de la Démocratie), qui ne sera constituée que des militaires que l’Etat formera au droit constitutionnel et au droit pénal, qui sera une sorte de Chambre juridique, seule habilitée à « juger vraie » sur le bon exercice de notre démocratie. Pourquoi ? Il me semble, qu’il ne suffit plus de ramener les civils au pouvoir – Obama dit en d’autres termes que le sélections ne suffisent pas à asserter d’une démocratie effective _ , il faut les surveiller et les punir, pour employer une formule de Michel Foucault. Au temps des grecs, lorsqu’il y a un renversement de pouvoir (on a des termes apparentés : révolution, bouleversement politique, coup d’état) au sens où il y a toujours deux factions en lutte : le démos (le peuple, la majorité) et les oligarques (la minorité, ou les riches), c’est généralement un démagogue qui profite des rivalités, ou de la crise pour s’emparer du pouvoir et régner tyranniquement. Ce fut par exemples les cas de Pisistrate et de Périclès dans la polis athénienne. Aujourd’hui le démagogue tapis dans nos républiques n’est-il pas le djihadiste ? La mal gouvernance des civils (intellocrates) ne donne-t-elle pas des velléités de domination aux islamistes ?

Assimilons tous le conseil, voire le message du Président Barack Obama qui nous aime bien. Le Niger regorge beaucoup de compétences tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Aussi longtemps qu’une personnalité est compétente pour exercer sans aucune contrainte politique au nom des intérêts supérieurs de la Nation, il est juste de faire appel à ses lumières pour que le pays avance. Pendant le règne de Baba Tandja un éminent fils du pays, Docteur Sériba, a réussi le challenge avec son équipe à organiser les derniers jeux de la Francophonie qui étaient mal partis à cause de la négativité de certains mauvais nigériens qui ne voulaient pas que ces jeux réussissent. Mais au grand dam de ces anti-nigériens, Dr. Sériba et son équipe ont  transformé l’essai comme on dit au Rugby, en permettant aux jeux de se dérouler au Niger. Evitant de péricliter dans les pages sanglantes des génocides et des guerres fratricides que nous connaissons via les médias. Arrêtons de travailler mal, et contre le pays. Surveillons l’exercice de notre démocratie (ONED est une bonne initiative), ainsi on cessera de nous traiter toujours de dernier pays du monde. Et par là je pense, on épargnera à notre brave armée de retourner le regard vers la gouvernance. Elle est, et restera républicaine aussi longtemps que les civils jouent bien la démocratie dans les règles de l’art. D’un mot, retenons que l’Etat est l’image d’une armée, s’il n’y a pas de respect de l’ordre, des règles, on tendra toujours vers le désordre et l’anarchie politique du philosophe Anglais Thomas Hobbes.

 

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10 août 2015

L'alternance: une volonté populaire ? (Rétrospective)

 

La pire erreur politique pour un régime en fin mandat est d’hypothéquer l’Alternance démocratique. Il y a la lutte politique d’un côté, et de l’autre il y a respect des lois démocratiques qui accordent un statut sui generis aux partis politiques, et en l’occurrence à l’opposition. Le gurisme, force est de le réitérer, excelle dans la tentative flagrante de vouloir organiser aux forceps des élections sans l’authentique opposition constitutionnelle. Cela est anti constitutionnelle. D’où probablement une des raisons du départ de l’ambassadeur Antoine Anfré qui refusa de cautionner, voire de donner un blanc-seing à cette mascarade de gouvernance au Niger, orchestrée par le gurisme.

Pour l’opposition, toutes les actions dilatoires, les magouilles, les manœuvres sournoises de trafiquer les recensements et le fichier électoral, émanent de la volonté unique du Prince ; en l’occurrence sa détermination à organiser des élections sans l’opposition authentique, constitutionnellement légitime. D’où leur stratégie tant décriée par l’opposition de concasser, de malmener les Leaders des partis de l’opposition. Prouve preuve, après l’ex Président de l’Assemblée Nationale : Hama Amadou, le gurisme s’en prend maintenant au Président du groupe parlementaire des députés de Modem Fa Lumana : Bakari Seydou. Aux yeux de l’opposition, cette décision de la Majorité à l’Assemblée Nationale d’accorder l’arrestation de l’honorable député Bakari Seydou, est un acte gravissime, car la procédure a été menée de manière expéditive, comme si l’honorable député était un vulgaire criminel qui doit passer en comparution immédiate devant le Juge pénal. Le dossier en question pour lequel le député est pourchassé, date de 2005, donc dix (10) ans après. En cautionnant cette décision, l’Assemblée Nationale dévoile gravement son absence d’autonomie, car elle est instrumentalisée de l’extérieur. Elle n’a plus de volonté, de libre arbitre. D’un mot, cette Assemblée n’est pas souveraine, et ses décisions de plus en plus arbitraires, injustes en considération de l’existence de cas précédents de députés incriminés pour d’autres faits, qui n’ont pas eu de traitement approprié, et juste. Aussi est-ce la raison pour laquelle l’honorable Député Mossi, estime que cette procédure est biaisée, tâchée d’injustice, car si l’Assemblée Nationale de la Majorité peut donner son quitus pour arrêter le Député Bakari Seidou, elle doit, et devrait le faire pour les autres députés. Partant, l’opposition n’est-elle pas en droit de parler d’une justice foncièrement dirigée contre les militants, députés, et dirigeants de l’ARDR ?

Au sens du Président Barack Obama il ne sied pas de ce contexte de parler de vraie démocratie, mais de démocratie de façade, voire une lapalissade de démocratie. La volonté  du Prince de ce point de vue est inadéquate avec la volonté populaire, incarnée à  travers les partis de l’opposition qui représente arithmétiquement 70% de l’électorat. Les conséquences, voire les dérives de cette volonté unitaire du Prince ont été exprimées – sous formes d’inquiétudes – à plusieurs reprises par l’ARDR dans ses diverses déclarations. Elle a de tout temps exhorté le gurisme à la prudence, et l’encourage à créer les conditions les meilleures en vues d’élections libres, crédibles et transparentes, et surtout pour une alternance sans fraude. Le Prince doit s’atteler à agir et se comporter vertueusement tel le Président Américain qui a souligné lors de son séjour en Ethiopie son respect quasi religieux de la Constitution américaine. Le Prince moderne doit donc apprendre à limiter ses désirs et à respecter la constitution, et ne rien entreprendre d’illégal qui serait de nature à hypothéquer la qualité des élections en 2016. Il nous semble, qu’il est même du devoir de tout bon Prince de dissiper dans une République les tensions sociopolitiques. La Constitution du Niger l’oblige à cette fonction de Pasteur du peuple, au-delà des luttes partisanes. Pour tout dire, la limitation de la volonté de possession du pouvoir, est la voie royale qui conduit à la sagesse.

 

8 août 2015

Le Profil terroriste?

 

Est-il possible de profiler les terroristes ?

Avant d’y répondre, il est utile de définir ce qu’est le profilage criminel. Partant du lexique de Laurent Montet, on peut retenir cette acception : « Le profilage criminel peut être défini comme le procédé permettant « l’identification des caractéristiques psychologiques grossières d’un individu sur la base de l’analyse des crimes que l’auteur a commis et qui apporte une description générale de cette personne ». Plus précisément, il s’agit de déduire ou/et induire le plus scientifiquement possible le portrait psychosocial d’un individu, à partir de l’analyse de l’ensemble des informations relatives aux circonstances criminelles constatées sur la scène de crime et rassemblées dans le dossier d’instruction. Le profilage est donc à la fois une composante de l’analyse criminelle _ puisqu’il part du même examen des informations _ et un prolongement de l’analyse criminelle _ puisqu’il se distingue à raison des objectifs poursuivis : l’élaboration du profil criminel. (« Profilage criminel et profileur », in Profileur, spécialisation ou professionnalisation ? sous la dir. De Laurent Montet, Paris, PUF, 2001, p. 19-20).

Ainsi qu’il ressort de cette définition, il est possible de tenter un profilage de n’importe quel criminel, à condition que tous les paramètres de l’analyse criminelle soient réunis. Pour sûr, le terroriste d’aujourd’hui n’est plus le criminel classique, il est devenu plus complexe, hétérogène, de sorte qu’il est plus raisonnable de parle d’une kyrielle de profils, et non d’un profil générique, unitaire. D’où la difficulté aujourd’hui d’asserter une connaissance absolue du terroriste type. C’est certainement le criminologue Lombroso qui a bien pensé le prototype du criminel, via son terme « L’homme criminel », ou que nous dénommons « d’homo terroricus » qui correspond à une dialectique du concept, voire une nouvelle race du terroriste qui a beaucoup de traits de personnalité avec les tueurs en série. Le cas Mohamed Mérah, et les autres (Les frères Chouaki, Amédi Coulibaly) sont criminologiquement très édifiants. Car, il est possible de passer de la psychopathologie, ou de la socio-pathologie au passage à l'acte, dans l’exacte mesure où ces jeunes étaient des français (avec un C.V. Criminel, en outre, on savait l’environnement dans lequel ils avaient grandi qui sont causes de haine et de violence) qui se sont retournés contre leur République.

Il est utile de savoir qu’un comportement renvoie généralement à une personnalité. Cela a été démontré par le médecin Sigmund Freud à travers sa théorie de la personnalité (le ça, le moi et le surmoi). Les criminologues aussi partent de cet axiome empirico-scientifique. De sorte qu’une infraction, un délit, ou un crime relèvent du même ordre. Ceci pour dire que le profilage criminel ne se limite pas comme le pense la doxa (l’opinion commune) à expliquer les comportements rationnels et irrationnels des tueurs en série, mais s’applique à divers domaines, et comportements. Le terrorisme, ou le terrorisme djihadisme n’y fait pas exception.

Relativement au terrorisme djihadisme, on peut ici et maintenant parler d’analyse de comportements et de motivations. Jean-Luc Marret propose une caractérisation fondamentale, à savoir que le terrorisme est d’emblée « la promotion de l’intérêt personnel ». Autrement dit, l’intérêt, ou ce que les Grecs nomment diversement : « sumphérom », ou « chreia », est le déterminant, ou si on suit le lexique de Freud le mobile, la libido (énergie) qui pousse le sujet à agir. Mais la difficulté qui sourd, c’est la forme spécifique de la manifestation de l’action terroriste, car certains comportements de nos concitoyens s’apparentent à des techniques, ou moyens terroristiques : exemples : les manifestations violentes, les marches suivies de casses, les séquestrations de dirigeants d’entreprise, sit-in à l’ANAB (pour exiger le payement des bourses), les tracts etc. Le gouvernement de la 7ème n’a-t-il pas taxé le comportement de certains militants de Lumana d’actes terroristes, et les dits acteurs de terroristes ? De même que Moussa Tchangari, via le rapport brûlant de son Association.

Leurs comportements en théorie peuvent faire sens vers cette définition du terrorisme comme mode d’action violente en vue d’une  fin. Toutefois, il nous semble à la suite Jean-Luc Marret qu’aujourd’hui lorsqu’on parle de terroriste ou de terrorisme, il nous vient spontanément à l’esprit : une IMAGE fortement médiatisée : O.I (avec Daesh), Boko Haram, Al-Qaïda, etc. Si cela est considéré, on peut avancer pour dire que, tout comme les membres des partis politiques, les terroristes également ont des motivations matérielles, économiques, politiques. En France, notamment dans le Code pénal, le terrorisme est envisagé comme une forme  d’association de personnes qui s’entendent pour commettre des actes délictueux, pénalement répréhensibles. Or lorsqu’on parle « d’association », il y a sans conteste organisation avec ses règles de fonctionnement. D’où la diversité des motivations et des profils. Pour E. Hyams (Cf. Terrorists and terrorism) « le terroriste » (en soi, nous soulignons) est simplement une abstraction, un concept devenu un fourre-tout, qui se dialectise suivant les situations et les individus. Aussi soutient-il : « De la même façon, l’analyse des profils terroristes est fort complexe et pour des raisons simples : il est toujours difficile de généraliser une observation de quelques individus à une plus large population et/ou de n’utiliser qu’un modèle explicatif pour en écarter d’autres. « Le » terroriste, à la différence de ce qu’il a parfois été dit, ne peut pas exister (cf. E. Hyams, Terrorists and terrorism, Londres, JMDent & Sons, 1975, p. 18 et s) ». Devant cet embarrant épistémologique, Laurent Montet propose donc de distinguer les terroristes « extravertis extrêmes et ceux chez qui l’on décèle de nombreux symptômes de paranoïa » (Laurent Montet, Profileurs, spécialisation ou professionnalisation ? Paris, PUF, 2001, p. 141). Pourquoi ?

Laurent Montet estime que lorsqu’on prend par exemple le Hezbollah et le Hamas (organisations terroristes), il est difficile d’établir des ressemblances (Aristote disait que ceux qui se ressemblent s’assemblent) et des différences. En revanche, il est possible d’esquisser une analyse criminelle qui permettra de faire ressortir « le sentiment d’appartenance à tel ou tel groupe, de connaître leur rhétorique, leur culture, leur parcours, etc. » (Ibid.). Afin de mieux le faire voir, on peut partir du cas particulier du terrorisme chiite, qui n’a pas de ressemblances avec le terrorisme classique. La mouvance islamique chiite a un mode d’action spécifique : L’attaque-suicide qui est sa signature comme on parlerait sur une scène de crime de la signature du criminel. Lorsque cette mouvance attaque les bâtiments des Ambassades américaine et française à Beyrouth avec un camion plein d’explosifs, on ne s’inscrit pas dans la psychopathologie, comme chez le jeune Mohamed Mérah. Mais, la particularité de cette action kamikaze comme on le dit très souvent, a des origines culturelles, historiques et religieuses. Autrement dit, il y a une plus-value de cette mode action qui se résume par le terme de « Shahada », c’est-à-dire le fait de mourir le « sourire sur le visage ». Pour preuve : avant l’explosion du camion contre l’ambassade américaine, le kamikaze, (le conducteur du camion), en avril 1983, sourira à un soldat américain de garde qui se trouvait à proximité de la trajectoire du camion.

A terme, il existe une pluralité de typologies, d’aucuns pensent par exemple à une typologie du genre « anarchistes-idéologues » comme l’ETA et ASALA ; d’autres distinguent les « croisés », les criminels et les fous. Aujourd’hui au Sahel nous pouvons aussi distinguer les terroristes narcotrafiquants (Ansar Dine, Mujao, aqmi) et les terroristes criminels et fous (Boko haram). Pour Charles Russell et Bowman Miller qui ont été les premiers a publié le Profil d’un terroriste (en 1977), les terroristes qu’ils ont observés (étudiés), sont des jeunes dont l’âge gravite entre 18 et 35 ans, plutôt de sexe masculin. Ces terroristes ne provenaient pas de milieux pauvres, ou des banlieues comme en France, mais de familles généralement aisées. Exception pourrait être faite pour le terroriste Mohammed Sahran qui vint au terrorisme à la suite de l’assassinat de sa famille lors du massacre du camp de Sabra et Chatila, en septembre 1982. Il fut l’unique survivant d’une attaque des bureaux d’EL Al à Rome et travailla par suite pour Abu Nidal. (A suivre :L’iceberg du terrorisme)

Dr. Youssouf Maïga

Criminophilosophe

8 août 2015

Terrorisme fondamentaliste

 

Edmund Burke écrit : « « La seule chose nécessaire au triomphe du mal…C’est l’inaction des gens de bien ».

Nous sommes dans un monde d’intérêts hétérogènes, et chaque intérêt a une intentionnalité pour exprimer dans le lexique de Husserl. Le terrorisme est un moyen ultime pour atteindre un intérêt spécifique. A l’instar des partis des politiques, les groupes terroristes sont constitués, structurés au sein de relations sociales (on peut parler à ce niveau de sympathisants, de militants, des dirigeants, des pères fondateurs, etc.). Il est aisé d’observer en leur sein des compétitions ardues comme dans la sphère politique pour briquer, ou s’accaparer des postes de décision ou de direction. Ces groupes terroristes sont aussi organisés, à l’instar d’une entreprise qui dispatche des fonctions (division du travail). Ainsi, tout comme les partis politiques, les groupes terroristes rivalisent de talents et d’industrie pour s’ériger en hégémon, en pouvoir suprême comme la nébuleuse Al-Qaida avec Ben Ladan, et aujourd’hui l’O.I (organisation Islamique) qui veut être le grand Leader du mouvement Terroriste. D’où les diverses allégeances que nous constatons. On peut parler ici et maintenant d’intérêts personnels, et des intérêts de groupe. Au nom de cet intérêt de groupe, les terroristes sont capables d’orchestrer des attaques simultanées et collectives. En d’autres termes, ils sont capables aujourd’hui de mobiliser comme les partis politiques des militants, des sympathisants, et des soutiens pour perpétrer des attentats-suicides, et des attaques meurtrières contre les Etats. Aujourd’hui la France, et l’Afrique en l’occurrence sont confrontées à cette stratégie, à cette nouvelle guerre où l’ennemi est partout et peut être n’importe qui. N’est-ce pas en plein mois de Ramadan que les attaques terroristes s’intensifient un peu partout ? Que des attentats sont commis même le jour où les musulmans fêtent la fin du ramadan ? On est en droit de se demander qui sont-ils exactement ? Que visent-ils ?

Il nous semble important et urgent de nous attarder sur ce phénomène appelé terrorisme fondamentaliste. Le terrorisme dans sa forme fondamentaliste, radicale, barbare nous rebute en tant qu’africains dans nos valeurs, dans nos us et coutumes. Il nous est difficile partant de nos repères africains de tolérance, d’accueil de l’étranger, d’altruisme, de solidarité, de partage, bref d’humanisme, de cautionner la violence spécifique au terrorisme fondamentaliste. Criminologiquement, il nous semble qu’il faut apprendre à réévaluer la dangerosité de ce phénomène du djihadisme fondamentaliste. Nous observons bien leur mode d’action inhumaine : la décapitation, qui est une signature criminelle aux antipodes de nos valeurs culturelles. Aujourd’hui nous nous égarons et, sans méfiance aucune, nous jugeons les choses faussement à l’aune du religieux, alors tout se déroule sous des versants politique, économique, et criminel. Le mouvement djihadiste dépasse le cadre de la territorialisation (le fait de se constituer un territoire, ou de s’accaparer d’un territoire), car il y a velléité absolue de réifier des consciences, des sociétés entières. Les djihadistes veulent  faire table rase de toutes les nouvelles valeurs. D’un mot, ils veulent imposer une nouvelle Weltanschauung (« vision du monde »), une culture islamiste pure et dure qui ne nous ressemble plus, qui relèverait simplement d’une métaphysique, car ces islamistes sont idéalistes, et ne vivent pas « existentiellement » les mêmes conditions d’existence matérielle, morale, économique et politique que les autres sociétés. Leurs attitudes vis-à-vis de la religion, leur mode de vie est ce qu’on appellerait prosaïquement : fondamentalisme religieux, au sens où tout est stricto sensu centré sur le Coran qu’ils défigurent et souillent dans leur foi aveugle (fanatisme).

Le fondamentaliste est de ce point de vue un malade religieux qui s’ignore. D’où criminologiquement sa dangerosité. Dans leur foi aveugle, les fondamentalistes croient toujours détenir, ou posséder la Vérité, d’être les seuls à aimer authentiquement la divinité. C’est dans cette optique que nous les identifions à des « illuminés », des névrosés, des psychotiques (paranoïaques, et schizophrènes) ou des psychopathes pour certains. Partant, on peut accepter le sens suivant du fondamentalisme qui désigne dans le domaine religieux l’attitude de ceux qui préconisent un retour à la doctrine fondamentale de leur religion, et à sa stricte et rigoureuse observation. L’autre terme qui lui sied bien est l’intégrisme. Aussi fantasment-ils sur un retour à l’orthodoxie, à l’Islam des premières heures. Chronologiquement, historiquement, et politiquement, ne sont-ils pas en retard par rapport aux réalités de nos sociétés modernes et islamisées qui sont partisans de l’aggiornamento ?

Le salafisme par exemple se veut un mouvement radical par rapport aux prescriptions coraniques. Il prône une interprétation rigoriste du Coran. Aussi, les mouvements salafistes choisissent-ils comme mode d’action le terrorisme pour lutter selon eux contre l’envahisseur, ou l’ennemi : les Etats-Unis, Israël. Le salafisme est la version la plus radicale du Wahhabisme, qui est un mouvement remontant au XVIIIe siècle, qui l’a emporté en Arabie Saoudite. Il prône le retour à la « lettre » du Prophète.

Sans être très exhaustif, nous pouvons nous appesantir sur la liste succincte des grandes figures du terrorisme proposée par Charles Emmanuel Guérin (Consultant et officier de sécurité) et François Géré, afin d’avoir une vue holistique de l’idéologie fondamentaliste. Nous pouvons citer les Frères Musulmans, eux-mêmes issus de l'idéologie de la secte des Assassins ; Al-Qaïda ; le Hamas (Mouvement de résistance islamique (org. Sunnite palestinienne), le Fatah, le Djihad Islamique, Al Gama'a Al Islamiyya (ou Jamaat al-Islamiya (Egypte), le Hezbollah (org. Chiite, Liban), GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Algérie), Groupe islamiste armé (GIA, org. sunnite, Algérie), Absat al-Ansar (org. sunnite, Liban), Brigade des martyrs d’al-Aqsa (islamistes Palestiniens), Djihad islamiste égyptien, Djihad islamiste Palestinien, Jemaah islamiya (Indonésie), Groupe Abu Sayyaf (org. Islamiste, Philippines),  Harakat ul-Moudjahidine (org. Islamiste, Pakistan)…, et aujourd’hui les deux stars du terrorisme mondial : Daesh (Organisation Islamique) et Boko Haram. Mais auparavant insistons sur la secte des Assassins. Qui sont-ils ?

Un survol de l'histoire est ici essentiel, afin de toucher du doigt leur idéologie, leurs revendications.

La secte des assassins, est une société initiatique fondée à la fin du XIe siècle (cf. B. Lewis, Les Assassins : terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Paris, Berger-Levraut, 1982). Selon E. Guérin, son fondateur, "Sayyidna Hassan Bin Sabbah" (1034 -1124), fils d'Ali, né à Kom, converti à la foi des Ismaéliens, est surnommé " le vieux de la Montagne " (titre du Grand Maître de la secte qu'il va bientôt créer). Il déclara : « quand nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille", ou encore : "il ne suffit pas d'exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d'entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l'admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous". Les exécuteurs de la secte des Assassins sont les Fidaï, mot arabe qui signifie "ceux qui se sacrifient, qui ont la foi", connus à notre époque sous l'appellation de "fedayin" depuis la guerre du Liban ». Cette aptitude ou capacité au suicide-sacrifice est propre également aux Frères Musulmans ainsi que le Hamas et les autres groupes terroristes. On peut parler soit d’idéologie commune, ou d’origine commune. Ainsi qu’il apparaît, le chef, voire le Fondateur d’une secte religieuse, ou d’un mouvement extrémiste religieux est hypostasié au rang de divin. Son pouvoir supplante même les liens familiaux, c’est-à-dire la relation de domination père et fils. Ce que dicte le fondateur est érigé en règle d’or, en préceptes sacro-saints. Ainsi, le Moudjahidine, ou le terroriste, pire le Shahid endoctriné, est capable de tuer de  manière aveugle parce que le guide ou le fondateur l’a exigé. Shekau Aboubacar à la tête de la secte Boko Haram œuvre dans ce sens, il veut devenir une sorte d’Ayatollah au Sahel, d’où le changement de dénomination : « Gens de la sunna, de la prédication et du jihad ». Un des fanatiques de Boko Haram natif de Diffa a franchi le Rubicon en décapitant son propre père, afin de servir d’exemple, et de foi extrême vis-à-vis des enseignements de Shekau Aboubacar.

Cette mise en scène de la mort, est visible chez les étudiants en théologie appelés « Talibans » restés fidèles à la doctrine de leurs maîtres à penser : Hassan Sabbah, car trancher des têtes permet dans leur entendement d’instaurer l’ordre et la discipline , et cela doit commencer par la décapitation des proches (la famille et des amis) qui enfreignent les dogmes, ou qui dévient des codes. Aussi est-ce la raison pour laquelle lorsque les fanatiques, ou fondamentalistes commettent des atrocités de manière flagrante, ouverte, ils ne cherchent pas souvent à fuir, mais à finir en martyr, en acceptant de mourir pour rencontrer joyeusement Dieu. « Bassamat al-farah », le « sourire de joie », désigne l’expression extatique qui est censée se trouver sur le visage des martyrs. Plus exactement souligne Jean-Luc Marret: « Chahadat, dans notre culture et notre religion, n’est pas un sanglant accident. D’autres confessions, d’autres peuples entendent le martyre comme le trépas du héros tué par l’ennemi. Il s’agit d’une tragédie, et celui qui meurt ainsi reçoit le nom de martyr. Mais, pour nous, Chahadat n’est pas imposé à un moujahid par l’ennemi. C’est une mort désirée, choisie dans la clarté, en état complet d’éveil, en toute logique, en pleine conscience […] Celui-là qui fait de la mort brûlante un symbole d’amour, un témoignage de vérité, celui-là est un martyrIl vit. Il est là, parmi nous. Dans le giron de Dieu, pour toujours mais aussi partout, dans le cœur de la masse des fidèles. Celui-là, en revanche, qui choisit le déshonneur pour sauver sa vie, celui-là, devant l’Histoire, n’est qu’un répugnant mort-vivant. En guise d’exemple, le conducteur du camion qui dévasta l’ambassade américaine, en avril 1983, exprima un sourire à un soldat américain de garde qui se trouvait à proximité de la trajectoire du camion avant l’explosion. » (Jean-Luc Marret, Techniques du terrorisme, Paris, PUF, Coll. « Défense et défis nouveaux », 2000).

On voit ainsi la différence d’avec les autres groupes terroristes qui perpètrent des attaques et prennent la poudre d’escampette. Les vrais fondamentalistes ne fuient pas, ils assument leurs actions violentes sur le terrain jusqu’à la mort. Aussi sont-ils plus à craindre que les minus terroristes prompts à déguerpir ou se cacher. Il s’ensuit donc que les fondamentalistes sont plus à craindre, car ce sont les « FOUS de Dieu » que les terroristes narcotrafiquants et preneurs d’otages qui sont aujourd’hui plus nombreux. Afin de mieux montrer la réalité de la violence terroriste, la banalité de la vie, le mépris du semblable ou ce que j’appelle dans le langage criminologique la « dépersonnalisation » qui est la phase extrême de la déshumanisation, il nous semble pertinent de passer par le comportement d’un groupe fondamentaliste très connu : les Frères Musulmans.

En matière de terrorisme, les Frères Musulmans (Al-Ikhouan ul-Muslimine) peuvent être considérés comme les archétypes, les modèles de tous les groupes terroristes fondamentalistes (nous nuançons et soulignons ; il y a des « terroristes », et des « terroristes fondamentalistes »). Cette secte radicale fut fondée en 1928 en Egypte par Hassan El-Bana, le grand-père de Tariq Ramadan, dont les modèles politiques n’étaient autres qu’Hitler et Mussolini (cf. Les sectes secrètes de l’Islam, de l’ordre des Assassins aux Frères musulmans, Philippe Aziz, Robert Laffont, 1983 ; à lire aussi B. Lewis, Les Assassins : terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Paris, Berger-Levraut, 1982). Hassan El-Bana vilipende l’Occident qu’il accuse comme le Mal par excellence. L’Occident est la cible des fondamentalistes. Boko Haram s’est inspiré de cette idéologie : Boko Haram signifie : « l’école occidentale est néfaste, ou mauvaise ». Dans leur entendement,  l’Occident dénature la jeunesse ; et les valeurs qu’il véhicule sont des valeurs qui nuisent à l’Islam, aux jeunes égyptiens.

Il est très instructif aujourd’hui d’insister sur ce personnage atypique. Selon E. Guérin que suivons comme guide des lieux, il souligne clairement partant de la lecture de l’ouvrage de Philippe Aziz (Les sectes secrètes musulmanes, de l’ordre des Assassins aux Frères musulmans, Paris, Robert Laffont, 1983) qu’Hassan El-Bana est foncièrement un extrémiste, car il soutient : « Il est dans la nature de l’Islam de dominer et de ne pas être dominé, d’imposer sa loi à toutes les nations et d’étendre son pouvoir au monde entier ». Philippe Aziz avance que les Frères musulmans considéraient la décadence de l’Egypte comme « un châtiment infligé par Allah aux peuples du Moyen-Orient pour n’avoir pas respecté la Charia». D’où leur velléité de changer, de renverser l’Etat égyptien de modèle occidental par un Etat islamique conforme aux enseignements du Coran. Afin de parvenir à leurs fins, les Frères musulmans sont passés à l’action violente : le terrorisme (sabotages, assassinats, attentats meurtriers, etc.). Mais le nec le plus ultra, c’est que nonobstant la disparition du fondateur, l’idéologie demeure, car elle est rigoureusement enseignée dans les « facultés du Koweït, du Qatar et d’Arabie Saoudite ». Ainsi qu’il apparaît, les liens entre les Frères musulmans et les groupes terroristes de par le monde sont on ne peut plus obvies, car ils disséminés à travers le monde : en Iran, en Irak, au Koweït, en Arabie Saoudite, en Égypte, dans la bande de Gaza, au Liban, en Syrie, au Soudan, au Yémen, au Pakistan, en Afghanistan, en Tchétchénie, en Yougoslavie, au Kosovo, en Albanie, en Libye, en Algérie, etc. (A suivre, le Profil terroriste)

 

 

Dr. Youssouf Maïga

Sécurité Publique

(IPAG, Université d’Auvergne, France)

19 avril 2013

Politique : La force des armes comme tribunal de la démocratie.

1- La dérive du concept de « force publique ».

Le concept de « force publique » est aujourd’hui l’image du droit qui est sujet à variation, du fait de l’instabilité même des actions humaines. Le dessein de cet article est d’examiner les répercussions, voire les impacts insidieux des guerres intra-muros (rébellions, putschs militaires, et aujourd’hui les groupuscules armés de djihadistes). Le grand problème aujourd’hui ce sont les défaites de plus en cuisantes des armées républicaines en face de groupes rebelles ou de mouvements djihadistes. Nous savons depuis l’exemple somalien en 1990, et ceux récents de l’armée malienne et de la FACA de la Centrafrique, que toute défaite, ou déroute de l’armée met en péril l’Etat et la sécurité des populations. Les lois ne suffisent plus à protéger les Etats. D’où l’urgence de reprendre les choses de beaucoup plus haut.

Pourquoi l’institution de la « force publique » ? Sieyès donne un élément de réponse : «  A la « force privée » des hommes entrant en société va se substituer « la force publique » de l’état social, garantie du droit et de la loi, tout en cherchant d’autres garanties contre cette force évidemment susceptible de porter également atteinte à la liberté » (Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, 26 Août 1789, Histoire, analyse et commentaires, sous la dir. De Gérard Cognac, Marc Debene, Gérard Teboul,  Paris, Economica, 1993, p. 251)

Notre présente réflexion va donc partir de la situation politique de la Centrafrique qui ploie sous l’insécurité occasionné par la victoire de la selaka sur la FACA (Forces armées Centrafricaines). Du point de vue du droit interne et international, la seleka a violé le jus belli (le droit de la guerre) et le jus in bello entendu comme la conduite du combattant dans la guerre.

La mauvaise gestion, et le contrôle d’une force armée est un danger pour les libertés des citoyens (cas de la Bangui). Libérer un pays de la tyrannie d’un mauvais dirigeant est un bien, voire un mal nécessaire au sens du jus ad bellum. Mais quand les mêmes vainqueurs s’en prennent aux populations, il y a crime. La seleka (les combattants et leurs chefs) doit être traduite devant les tribunaux internationaux. Les exactions de la seleka contre les populations de Bangui peuvent les inciter à s’armer et se défendre en toute logique contre des bandits, des combattants pilleurs et délinquants. A la lumière de se qui se déroule en Bangui, il est juste de comprendre la résistance de certains Etats des Etats Unis, de renoncer au port d’armes, face à la menace toujours potentielle des malfaiteurs. Banalement et fatalement, n’importe qui aux étudiants est un tueur potentiel.

 Pour nous, il est d’une claire évidence que des forces combattantes telles que la seleka, ne correspondent à pas la véritable notion de la force publique telle que stipulée par l’article 12 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : «La garantie des droits de l’homme nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». 

Le concept de « force publique » tel que nous le retrouvons dans l’article 12 est aujourd’hui vidé de sa quintessence. La force publique est représentée comme Méphistophélès, dans l’exacte mesure où certaines forces armées violent, bafouent, les principes sacraux saints de l’article 12. Cette dérive trouve sa brillante illustration avec la junte militaire du Capitaine Sanogo, et dans un passé récent, en Guinée avec Dadis Camara. En bref, partout où l’armée républicaine échoue à respecter l’esprit et la lettre de l’article 12, il se produit un renversement de pouvoir, une violence militaire et politique. Or, dans l’esprit de l’article 12, interdiction est faite à l’armée de délibérer, c’est-à-dire « d’avoir accès à la raison politique » souligne le professeur Etienne Picard. Ce qui prévaut, c’est nous semble-t-il, que la force publique est réduite à son aspect de force (coercition), comme moyen d’accéder au pouvoir, ou comme en Bangui de renverser un pouvoir et de martyriser des populations.

Des groupuscules de combattants revendiquent aussi l’épithète de force armée, et de manière pathétique, échouent à incarner la force publique pour protéger les populations. On est in situ dans la dérive, dans la confusion des genres. D’où la violence contre l’Etat, contres les lois républicaines. Les groupes militaires, les rebelles, les combattants de la seleka, ne relèvent pas par essence du concept de force publique. Leur existence en tant que force armée résulte de l’incapacité de certains Etats en Afrique à bien subordonner la force publique à la Nation et à la Justice.

A la faveur de cette analyse, force est d’admettre qu’une « force privée », telle que la seleka, ne peut pas être républicaine, car l’actualité montre avec une lumière crue que la Seleka ne protège plus les populations. En l’absence de la vraie armée républicaine de Bangui (la FACA), nous assistons impunément à des exactions qui sont contraires à la notion de force publique. 

Il faut donc être honnête pour le reconnaître, les démocraties africaines auront besoin de militaires éclairés, des soldats-citoyens vertueux pour employer l’expression de V.J.O. Bertaud. Et si on peut paraphraser une formule du Professeur Etienne Picard : il serait très pédagogique et instructif de faire figurer le texte de l’article 12 en grandes lettres sur le frontispice de tout commissariat ou de toute caserne, et peut-être même, réduite à sa première phrase, se voir brodée en fil d’or sur le képi ou l’uniforme de nos agents, afin que le message puisse pénétrer jusqu’au fond des cœurs, pour y demeurer indéfectible.

La vraie politique doit s’apparenter à un art, et l’Etat comme une œuvre d’art disait un excellent professeur de droit. La tâche du prince/ou du dirigeant est d’œuvrer à la concorde intérieure, à la paix, à la sécurité, qui sont les conditions sine qua non de la bona vita dans une République. De ce point de vue, l’ordre et la stabilité sont essentiels à la fois pour l’effectivité des ces vertus politique, et pour l’accomplissement du citoyen (politês).

 Selon Max Weber dans Le Savant et le politique, il appartient à l’Etat l’usage légitime de la violence aux moyens de ses appareils répressifs : l’armée, la gendarmerie et la police. Relativement à la FACA : ne faut-il pas avancer dès lors que là où finit la force armée de la République, finit le véritable Etat civil et l’Etat de paix et de sécurité dans la cité ? Avec les rebelles de la seleka nous sommes aujourd’hui dans la transgression des lois internes et internationales : des violations flagrantes sur des populations et sur leurs biens, de leurs propriétés.

Dans la théorie du bellum justum (guerre juste), il n’est pas exagéré d’intégrer des rébellions justes et des rébellions injustes. Les rebelles de la seleka, nonobstant leur victoire sur les forces de François Bozizé ne sont pas dans la légitimité et la légalité, c’est-à-dire au sens où la guerre (bellum/polemos) permet d’instaurer un nouvel ordre, un nouveau droit meilleur que l’ancienne légitimité ; mais des hors la loi, des délinquants et des criminels, qui ne respectent pas le droit de la guerre, le jus belli.

Dans la politique intérieure des Princes qui nous gouvernent, Machiavel leur assignent la tâche sacrée de protéger l’Etat contre l’ennemi du dehors. Or, aujourd’hui l’ennemi du dehors est confondu à l’ennemi du dedans (les rebelles, les islamistes radicaux). D’où la nécessité de renforcer continuellement les capacités de la force publique. Car, si cette force publique périclite, il en va du devenir et de l’existence de l’Etat. Le défi aujourd’hui de nos Etats est de déterminer les ennemis du dedans, de neutraliser les inimitiés intérieures, afin de pouvoir se focaliser plus efficacement sur les ennemis venant du dehors. Platon dans Les Lois, donnait cette mission aux Législateurs de produire de bonnes lois pour vider les staseis (discordes) internes, pour protéger l’Etat de l’ennemi extérieur. Pourquoi ? Parce que les guerres intra-muros dévitalisent les forces et les ressources de l’Etat. Suivant Machiavel, une République bien constituée doit les vider par tous les moyens, afin de ramener la concorde dans la République.

 Claude Rousseau s’inscrit dans cette veine : « Ainsi l’histoire d’un peuple se confond-elle, sinon avec celle de ses armées, du moins avec celle de ses institutions militaires : leur vigueur ou leur faiblesse reflètent la santé ou la corruption des Etats. » (Claude Rousseau, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, Paris, PUF, 1970, p. 17).

En Bangui, la relation entre les combattants de la seleka et les Banguissois, n’est pas de la lune de miel, car la situation va de mal en pis. Le plus vulgaire des Banguissois voit bien que depuis que les combattants de la seleka sont dans la capitale, c’est l’insécurité totale et des assassinats. L’enseignement politique et juridique de cet état de fait déplorable, est que, toutes les fois où, un l’Etat, notamment la force armée (la FACA) a été défaite, les individus sont laissés à eux-mêmes, à la force brute des combattants de la seleka. L’instinct naturel, ou pour mieux dire la loi de la nature propre à chaque individu est de défendre sa vie et ses biens. Nous avons ici une excellente illustration de la légitime défense des Banguissois  aux combattants de la seleka qui constituent un danger, comme dans un état de nature Hobbien.

La seleka a instauré un état Hobbien de guerre de chacun contre chacun, de crainte et d’insécurité. Djotodia et ses rebelles doivent partir car ils sont incapables d’assurer la sécurité des Banguissois. En sus de, les exactions et les violences meurtrières contre les Banguissois, ont écorné la confiance entre les nouveaux maîtres et les Banguissois. Il n’était donc pas utile et nécessaire de renverser le régime de François Bozizé pour juste semer le désordre et la désolation.

Machiavel a donc raison d’avancre que : « Les guerres sont justes quand elles sont nécessaires ; les armes sont saintes quand elles sont notre dernier espoir. » (Machiavel, Histoire Florentine, V, 8, in « La doctrine de la guerre de Machiavel »,  La guerre et ses théories, op.cit., p. 20). Autrement dit, c’est toujours l’Etat malade qui appelle à sa rescousse la force armée.

2-La nécessité pour un Etat de disposer d’une bonne armée

Les armes supplantent de plus en plus et dangereusement les Lois. Machiavel a raison des siècles après de souligner : « ce qui permet la survie de l’Etat, c’est moins la qualité de sa constitution que celle de ses armées » (Claude Rousseau, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p. 25). Machiavel dans L’Art de la guerre, pousse même l’outrecuidance de soutenir que les armes « bien réglées » étaient capables de sauvegarder n’importe quelles institutions, « même plus ou moins déréglées » (L’art de la guerre, préface, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, p. 25-26). En d’autres termes, avec une bonne armée et une bonne police, un Etat n’aura à craindre de personne comme dans les Etats modernes. Pourquoi ?

Il faut en effet remarquer que « tous les prophètes bien armés furent vainqueurs, et les désarmés déconfits » (Le Prince, VI, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p.27-28). De la même façon que le Prophète Moïse avait triomphé en tant que prophète armé, de même le Christ désarmé, ne put faire face politiquement à ses ennemi/ adversaires (les Romains), en adoptant avec sagesse et non violence face à ses ennemis  le principe selon lequel : « Qui triomphe par l’épée, périra par l’épée ». Mais certains Papes de l’Eglise ne suivront pas ce pacifisme du Christ. Jules VII par exemple, « c’est par la crainte qu’il bouleversa le monde et qu’il éleva l’Eglise au rang où elle est » (Lettre à Vettori, 1514, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit.,  note 8, p. 28). Nous retrouvons cette même vérité historico-politique dans les Etats africains. L’usage des armes est devenu le moyen (machiavélien) de s’emparer du pouvoir contre la toute-puissance des lois.

D’Amadou Toumani Touré à François Bozizé, nous sommes dans l’actualité de la pensée de Machiavel : « Ceux-là seulement (les Princes ecclésiastiques) ont des territoires et ne les défendent point, ils ont des sujets et ne les gouvernent point » (Le Prince, XI, « La doctrine de la guerre de Machiavel », in La guerre et ses théories, op.cit., p. 28). Autrement dit, tout Etat qui perd son substrat qu’est sa force publique, se perd avec elle.

Conclusion

Nos analyses confirment les thèses de tous ces éminents penseurs, auprès desquels le politique en Afrique ne vient plus prendre des leçons pour bien gouverner, surveiller, anticiper et punir. La guerre, la violence est devenue pour paraphraser Héraclite l’alpha et l’oméga des Etats africains. Le logos ne gouverne plus. Les individus préfèrent la seconde voie belliqueuse suivant Cicéron dans De officiis, I, §, 11, qui soutient qu’il existe deux voies pour vider un différent entre deux individus/ou un Etat : la voie de la discussion (logos) rationnelle, et la voie propre aux animaux qui est la force des armes, qui ne distingue point l’homme de l’animal. Si notre analyse est juste, on peut donc avancer pour dire, que la guerre est inhérente à la nature humaine et dans la loi de la conservation de soi. Plus exactement, les conflits sont les germes des démocraties africaines. Car chaque fois qu’un Etat en Afrique parvint à une certaine acmé, il périclite lamentablement comme si les dieux de l’Olympe sont hostiles à un progrès de la démocratie en Afrique.

Pour nous la réponse pourrait se trouver chez Hobbes : si l’homme est naturellement un « loup pour l’homme » à l’état de nature, dans l’état politique, le politique est le loup de la démocratie, car c’est par ses mauvaises actions, par ses injustices que se produisent les guerres civiles, les rébellions, les coups d’Etat, et aujourd’hui « l’islamisme démagogique » qui brique, convoite le pouvoir. D’où le danger qui menace la force publique en tant qu’institution. Notre vœux serait « A new form or in the new hands »: autrement dit, le people doit replacer le pouvoir dans de nouvelles mains.

 

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14 avril 2013

Politique : le miroir de la démocratie en Afrique.

 

Y-a-il gémellité entre militarisme et démocratie?

Cette réflexion est partie de la lecture de l’excellent ouvrage de Thomas Mann (1875-1955), intitulé Considérations d’un apolitique. Thomas Mann fait partie de ces intellectuels Allemands qui sont inféodés [conservateurs] à la vraie notion politique de la « Nation allemande », contre la nouvelle autre forme de politique ou de la politisation, qu’est la démocratie. Ce fut l’échec de Bismarck en effet d’avoir voulu vaille que vaille appliquer la démocratie à la Nation allemande, comme une sorte de greffe d’organe contre-nature. Pourquoi cet acharnement de Thomas Mann contre la démocratie à son époque ?  La réponse est d’une claire évidence pour lui : « La démocratie, au sens et au goût occidentaux, est étrangère à notre pays, un élément transposé qui « n’existe que dans la presse » et ne pourra jamais s’intégrer à la vie allemande, ni devenir la vérité allemande » (Ibid., p. 236).

Considérations d’un apolitique fut à l’époque un véritable pamphlet du régime démocratique. Les idées politiques de Thomas Mann sont encore d’actualité, en l’occurrence sur cette grave problématique de l’immixtion des militaires dans les affaires politiques dans les démocraties africaines. D’apolitiques, les militaires sont devenus aujourd’hui en Afrique selon les circonstances : soit des deus ex machina, soit des sauveurs (soter), et dans des cas malheurs des assassins, des meurtriers, des génocidaires recherchés par le TPI (tribunal pénal international).

Si Otto Von Bismarck (1815-1898) est parvenu à fonder l’empire allemand par son action politique toute en remplissant des fonctions militaires. Cette expérience politique est-elle transposable aujourd’hui dans les démocraties militarisantes ? Dans une question que nous nous sommes adressée est à nous-mêmes, nous nous m’interrogeons sur la question de savoir s’il est possible de parler en Afrique de coups d’Etat pathologiques? En clair, est-il possible d’éradiquer cet état latent de récidivisme ? La question vénielle et rationnelle est de se demander pourquoi, les Etats occidentaux ne sont pas affectés par cette pathologie qi est définitivement consubstantielle à nos régimes démocratiques ?

Si on part de l’exemple de l’action politique de Bismarck et de la critique politique de la démocratie qui est incompatible avec l’Unité allemande, en tant que Nation, il est possible de répondre spontanément qu’il faut en Afrique, et au Niger en particulier une nouvelle culture démocratique, c’est-à-dire une modèle politique qui pourrait s’apparenter à un mixte de Bismarckisme et de démocratie [à distinguer de démocratisme qui nous semble péjoratif, ou relève de l’indémocratie], au nom de l’intérêt supérieur de l’Etat.

Dans une perspective militaire, la solution est au cœur même de la fonction militaire. Dans son excellent ouvrage, Le droit de la fonction militaire, Béatrice Thomas-Tual, fait remarquer le statut intrinsèque de la fonction de l’armée dans une République, et en quoi il est interdit au militaire de s’apolitiser. Tout en étant citoyen à part entière, le militaire est tenu à droits et des obligations : « Les militaires se voient accorder des droits et des obligations. L’état militaire présente des particularités et cela a des répercussions sur les droits et obligations des militaires. » (Le droit de la fonction militaire, Paris, Ellipses, 2004, p. 50). Toutes ces restrictions, voire ces interdictions sont annexées à ses droits et libertés. C’est ainsi que par exemples, « les militaires en France n’ont pas la liberté syndicale, à la différence de pays comme l’Allemagne » ; « les militaires en France n’ont pas le droit de grève (article 11 du statut) » ; « la liberté d’association est limitée pour le militaire. Il ne peut pas adhérer à des associations à caractère politique (sauf en cas de candidature à une fonction élective publique) ou syndicale. » (Ibid., p. 52). Ces restrictions, qu’on pourrait pénalement appeler des privations de libertés sont nécessaires pour un bon exercice de la fonction militaire. Car lorsqu’on permet aux militaires de s’associer, c’est-à-dire d’être de tel ou tel bord politique, c’est l’indiscipline qui va s’instaurer, et des rébellions aux ordres hiérarchiques, et contre la République. On voit donc clairement le danger de la politisation des militaires. Tel est ce nous semble, le mal qui gangrène les régimes politiques en Afrique, car derrière beaucoup de militaires, derrière leurs uniformes et leurs grades se camoufle une appartenance, une obédience politique. En France par exemple, l’article 1 du statut général des militaires que nous retrouvons dans presque toutes les armées bien constituées, stipule que : « l’état militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme et esprit de sacrifice. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la nation. » (Ibid., p. 67). Le militaire est  par excellence le citoyen dans la République seul habilité à faire la guerre, donc à défendre ses concitoyens en cas de menace grave, et en particulier face aujourd’hui à la crise terroriste. De fait quand une armée est Républicaine comme celle du Niger [fort heureusement, à la différence de l’armée malienne de Sanogo], elle rassure les citoyens et les protège.

Or il se trouve que depuis quelques années, l’armée fait des incursions dans la sphère politique. Certains militaires sont « colorisés » politiquement jusqu’à la casquette, politisés pour tout dire. D’où notre hypothèse : le pouvoir militaire [le militarisme] ne serait-il pas aujourd’hui le surhomme de la grande politique de Nietzsche ?

Il nous semble, à l’observation, et avec plus de recul et de façon stéréoscopique, que le militaire éduqué, civilisé, instruit aux valeurs des droits et libertés démocratiques, est plus patriote que le civil. La polémique entre Nietzsche et l’Etat militaire de Bismarck, permet de relativiser le scepticisme moderne sur l’incapacité des militaires à bien gouverner. C’est derechef Thomas Mann dans Considérations d’un apolitique qui tranche le débat : « Il est sans doute vrai que Bismarck a mis « l’Allemagne en selle », mais elle avait déjà un pied sur l’étrier, et Nietzsche, perdu dans ses rêves de culture musico-dionysiaques, ne semble pas s’en être aperçu » (Ibid., p. 205). Autrement dit, dit si nous poussant la pensée de Thomas Mann dans les ultimes retranchements, il peut ressortir l’évidence qu’un régime militaire vertueux peut  en effet rivaliser aujourd’hui avec un régime politique civil.

Au Niger on a des jauges de gouvernance pour établir qui vaut mieux que l’autre. Parmi les militaires ayant exercé le pouvoir : nous avons Seyni Kountché, Ali Chaibou, Baré, Wanké, et le dernier en date : le général Salou Djibo. Quant aux présidents civils, (Diori Hamani, appartient à l’époque de l’indépendance, et Kountché ayant ouvert si on pût dire une ère autocratique) nous avons Mahamane Ousmane, et Tanja Mahamadou (militaire reconverti). Il nous semble _ et il nous le croyons fortement_ que le militaire républicain (vertueux) a plus « d’infatuation de soi nationale » que le civil.

Si nous considérons notre tableau des divers acteurs de la République du Niger, on constate aisément que les militaires ont plus séjourné au pouvoir que les civils. D’où on peut conclure avec évidence, qu’au regard de la poussée islamiste, en tant que nouvelle crise terroriste comme diraient les Gendarmes français, va inexorablement et apodictiquement se poser de futurs choix politiques vers le retour à des pouvoirs militaro-démocratiques.

 Ne comprenons pas le mot militarisme, ou militaro-démocratie comme une régression, mais comme un ré-enfantement en soi et pour soi de la praxis démocratique. Car toutes les fois qu’un régime démocratique se transmute en ploutocratie ou en autocratie, il est automatiquement renversé par les militaires. En suivant Thomas Mann, on est tenté en effet d’avancer que la démocratie est devenue un marché noir, où le boursicotage, le gain, l’argent, les affaires sont devenues les valeurs suprêmes, reléguant de fait aux calendes grecques les questions prioritaires de l’Etat telles que sont la sécurité (asphaleia), la famine, le pouvoir d’achat, le chômage, etc. J’hésite avec peine à souscrire aux propos de Thomas Mann : « Débarrassons-nous de la démocratie ! ». A la rigueur, avec le militarisme/ou militaro-démocratie, il est possible de spiritualiser, de socialiser le terme « démocratie » en disant simplement « populaire » qui aura la même valeur que « libre » dans une res publica.

Au total, nos Etats en Afrique ont fortement besoin d’une culture de l’Etat. Il nous faut juste de vrais politiques pour remettre nos Etats en selle, afin qu’il ne soit plus possible à l’Etat de s’effondrer (comme en Somalie), de tomber aux mains des djihadistes (au Mali) qui n’attendent que les failles des Etats constamment agités, ou en proie aux coups d’Etat pour instaurer l’islamocratie. Pour l’heure, seul considérons-nous, le militaro-démocratie peut obvier aujourd’hui les nouvelles menaces/crises. Thomas Mann pour sa part, va jusqu’à soutenir que la démocratie « peut se concilier avec un régime monarchique fort, mais celui-ci forme son correctif nécessaire » (Ibid., p. 224). Tel aussi pourrait être le souhait de Nietzsche, à savoir être capable en Afrique de : « pouvoir enfin inventer aussi du nouveau en politique » (Ibid., p. 236).

Youssouf M. Moussa

Criminophilosophe

 

 

14 avril 2013

Profilage criminel : le comportement du criminel

L’assassinat du Président Ibrahim. Baré M

Si la plupart des affaires d’affaires criminelles (assassinats politiques) ne sont pas élucidées, c’est parce que l’information disponible est déficitaire. Les enquêtes de police ne s’intéressent pas à de telles affaires. Néanmoins, en fonction des moindres informations, ou des (« traces) il est possible au profileur d’identifier le type de meurtre, partant de l’examen de l’acte, ou des actes commis par le tueur/ou les tueurs sur la scène du crime, ou des informations recueillies sur la scène du crime par des témoins.  Nous partirons du peu d’informations glanés sur facebook, pour proposer une modeste analyse criminelle.

La scène du crime est généralement entendue comme le lieu de la commission du crime ou des crimes. Elle est donc au sens grec, une véritable scène de théâtre où le criminel laisse sa signature, sa psychopathologie, son être, et sa personnalité. Les commanditaires des assassinats politiques s’arrangent généralement pour effacer (comme en informatique, les « traces ») les indices, les preuves, aux experts. Or, aujourd’hui nous avons assez de moyens [PTS : police technique et scientifique] pour remonter aux coupables (grâce au profilage criminel) et grâce à la criminalistique. Ceci pour dire que un Etat de droit normal, juridiquement, tout crime mérite châtiment, que les coupables soient vivants ou morts. La vérité doit servir aux familles des victimes. Dans la polis Athénienne c’est même un crime gravissime de laisser la vie continuer son cours, alors que les assassins sont dans la cité, ou que la cité n’a pas été purifiée par cet acte abominable qui souille la cité entière. En l’absence des lois, dans la mythologie athénienne ce sont les déesses vengeresses (Erinyes) qui châtient le coupable ou les coupables.

De Aïssa Diori à Baré Mainassara, la science criminelle peut apporter sa contribution pour l’établissement de la vérité. Jusqu’à aujourd’hui, il nous semble de loin, qu’il n’y a pas eu d’efforts courageux et systématiques de dire réellement ce qui s’était passé, c’est-à-dire criminologiquement : pourquoi ? Comment ? Qui ? Etc.

Pour nous enquêteurs, la scène du crime est capitale, c’est raison pour laquelle, les assassins font tout, et passent par tous les diables pour effacer les indices, détruire les preuves et les témoins, comme dans l’affaire Aïssa Diori. Mais la science criminelle est plus forte que les gestes des humains. Un jour viendra où tout sera possible grâce à TREVI Investigation. Car dans la même démarche que le FIB américain, nous croyons fortement que même à Nigeropolis, il est possible de fonder une science criminelle. Concernant l’assassinat d’Ibrahim M. Baré, n’importe quel enquêteur sera prima facie stupéfait par la violence, la barbarie de l’acte criminel, l’acharnement de son meurtrier sur la scène du crime. Le corps de la victime qui a été déchiqueté au moyen d’arme de guerre nous donne une première idée de la personnalité de son assassin immédiat : haine et rage, dépersonnalisation de la victime ; assassinat organisé, planifié, avec choix de l’arme du crime. Et par la suite tout le monde sut grandement les vraies motivations de cet assassinat sadique : Jouir du pouvoir. Mais cet assassinat est complexe, car bien que Wanké soit l’assassin manifeste, il reste et demeure que d’autres auteurs sont impliqués ou indirectement ; ce qu’on pourrait appeler en droit pénal de complicité co-respective, entendue comme « la participation par juxtaposition ».

Pour conclure, aussi longtemps que ce deux assassinats dans une république n’ont pas été traités pénal, criminologiquement, il n’est pas exclu d’assister comme dans le cas des tueurs en série, au des délinquants, à une récidive.

9 avril 2013

Profilage criminel : assassinat de Hadjia Aïssa Diori Hamani.

Après le cas de Mohamed Mérah, nous prenons le challenge de proposer une ébauche d’analyse criminelle sur l’affaire criminelle : Aïssa Diori Hamani.

Avertissons dès l’abord que ceci est un essai criminologique, qui s’appuie sur le compte-rendu [témoignages] de la fille de Aïssa Diori Hamani, Hado Ramatou Diori Hamani.

Sa démarche est très courageuse en faisant partager à tous les amis de Facebbok, ses sentiments et ressentiments, après cet horrible carnage dont sa famille fut victime.

Criminologiquement, les témoignages de Hado Ramatou sont des paroles de proches directs, donc de la famille des victimes. D’où son intérêt pour le profilage criminel qui est aujourd’hui une discipline à part entière de la criminologie.

De jure, il reviendrait à des OPJ (officiers de police judiciaire), à des avocats de faire des enquêtes, d’ouvrir une instruction sur ces assassinats de la famille de Diori Hamaniqui s’apparentent juridiquement à une sorte de COLD CASE (affaires classées). Hado Ramatou et toute la famille Diori veulent une vérité objective de tous ces assassinats qui ne furent pas utiles, non nécessaires. Nous voudrions avec la permission de Hado Ramatou proposer une précompréhension criminelle en l’absence de la scène du crime et de la reconstitution des faits comme dans une vraie procédure judiciaire.

La première question qui se pose spontanément est celle de savoir pourquoi personnellement la première Dame ? Et pourquoi tuer sans discernement les autres membres de la famille ? Pourquoi aussitôt le palais pris, ne pas se contenter du Président qui n’a pas manifesté de résistance, et a même supplié les militaires de ne pas faire du mal à sa famille ?

Nous sommes d’accord avec Hado Ramatou qu’il y a eu sans conteste volonté délibérée de tuer prioritairement la Première Dame sur ordre exprès du Commandant Sani Souna Sido. Le Sergent Niandou l’a attesté devant leur frère Abdoulaye. L’autre preuve est donnée par le Lieutenant Ousseini qui devant la porte du palais voudrait finir le contrat : « Liquidez les enfants !». Les ordres étaient on ne peut plus clairs : éliminer toute la famille si possible.

Etant donné que le Commandant Sani Souna Sido était l’homme de confiance de Hadja Aïssa Diori, et surtout qu’il savait le coup d’Etat en préparation, il nous semble qu’il voudrait supprimer une Dame compromettante, gênante à tous égards, pour des motifs non avoués. Nous savons aussi que Kountché n’est pas tendre avec les militaires ripoux et malhonnêtes, et de surcroît des officiers véreux et vénaux comme Sani Souna Sido. S’il y avait eu un audit, on trouverait à coup sûr beaucoup de malversations financières de Sani Souna Sido, car la Première Dame lui donnait carte blanche et même le chéquier de la présidence pour des opérations diverses.

Du point de vue du profilage criminel, le Commandant Sani Souna Sido fait partie du type de « criminel narcisso-sexuel organisé » selon le Professeur Laurent Monet. Dans son témoignage, Hado Ramatou nous apprend qu’elle fut stupéfiée par le calme olympien du Commandant Sani Souna Sido la veille de l’assassinat de sa Maman. Cette attitude est spécifique aux criminels narcisso-sexuels, qui sont méthodiques, froids, organisés, et contrôlent tout du début jusqu’à la fin de l’action criminelle.

Pour revenir au cas qui nous occupe, c’est-à-dire les mobiles de l’assassinat de Aïssa Diori, il faut dire que militairement quand il y a un coup d’Etat, généralement, la cible est toujours le président politique, et son gouvernement. C’est seulement lorsque la première Dame dans la gestion du pouvoir a été vacharde, injustice, etc., qu’advient son arrestation, et, ou sa mise à mort ultima ratio. Pour le cas de Aïssa Diori, sa mort n’était pas accidentelle au regard des informations fournies par Hado Ramatou Diori.

Aujourd’hui pour expliquer un assassinat ou des assassinats, les criminologues ou les profileurs criminels sont les plus compétents. Mais ici et maintenant que faut-il entendre par criminologie et profilage criminel ?

La criminologie est entendue comme « la science qui étudie d’une part les facteurs de l’action criminelle et leur interaction, ainsi que les processus qui conduisent au passage à l’acte délictueux et d’autre part les conséquences répressives et préventives que l’on peut tirer de ces connaissances pour une lutte efficace contre la délinquance. »[1]. Quant au profilage criminel nous avons la très belle définition proposée Laurent Montet : « Le profilage criminel peut être défini comme le procédé permettant « l’identification des caractéristiques psychologiques grossières d’un individu sur la base de l’analyse des crimes que l’auteur a commis et qui apporte une description générale de cette personne »[2]. Pour le Professeur Raymond Gassin : « Le profilage criminel est _ et se veut_ une technique de police scientifique et technique qui entend répondre à la question : « Comment faire pour que les tueurs en série, ou éventuellement d’autres criminels, soient à l’avenir arrêtés au plus vite »[3]. Soulignons au passage que Profilage criminel est plus propre à la criminalistique en tant que« c’est une discipline qui a pour but de déterminer comment les crimes sont commis, de quelle manière les éclaircir, quels motifs ont joué, quels desseins étaient projetés. »[4].

Les deux disciplines sont aujourd’hui entrelacées, intriquées. Pour le dévoilement de la vérité dans les enquêtes de police, pour les avocats, le profilage criminel est d’un apport inestimable. Pour le cas de Hadja Aïssa Diori, les criminels sont tout désignés : Commandant Sani Souna Sido, le Sergent Niandou, et les autres qui ont tué les autres parents : le garde du Président Diori, les deux cousins, l’oncle (Moussa Kao), la tante, et d’autres. Bref, il y a eu un carnage, un quasi-génocide. De facto, à ce stade de l’analyse, le profilage peut s’arrêter. Mais Hado Ramatou ne serait satisfaite, car elle a l’intime conviction que ces crimes ne furent pas perpétrés uniquement sur les seuls ordres du Commandant Sani Souna Sido.

Etant donné qu’il existe des zones d’ombre sur cette affaire, la famille est donc en droit de douter sur le seul commanditaire. Il est possible en effet de subodorer d’autres raisons politiques, qui dépassent la seule motivation criminelle du Commandant Sani Souna Sido. Car un acte criminel, en l’espèce ce carnage de la famille Diori, n’est pas anodin. Les criminologues allèguent plusieurs causalités, dont entre autres : biophysiologiques, psychosociales (comme dans le cas Mohamed Mérah), psychomorales, etc. Mais ce qui est d’une claire évidence, c’est derechef la préméditation des assassinats. Le flair de Hado Ramatou le Jour de son arrivée d’Abidjan aurait du alarmer Hadja Aïssa. Mais la confiance qu’elle avait toujours accordée à Commandant du palais, a eu raison d’elle. Le coup d’Etat était facile sans grande résistance. Aussi est-il juste de se demander pourquoi tuer des innocents : les deux cousins, blesser le frère Moussa, et les autres ?

La raison de cette folie meurtrière fut donnée par le Sergent Niandou, qui avance clairement qu’ils ont été drogués. La violence des rafales, notamment les impacts de balles sur l’habit de Aïssa Diori et la baïonnette, prouvent si besoin est que certains militaires avaient eu des consignes fermes de tuer sauvagement et sans état d’âme. Après les rafales et la baïonnette, Hadja Aïssa était encore vivante [45 mn], donc manifestement il y a refus de porter assistance. Nonobstant le mobile de la légitime défense allégué, il y avait nécessité aussi de porter secours à la première Dame.

La scène de crime que nous pouvons intuitionner par la pensée prouve bien, que l’objectif était qu’elle trépassât, et enterrée manu militari. La violence des assassinats est la preuve encore qu’il y a eu homicide volontaire.

Mais par-delà ces éléments, émergent, se dévoilent grandement la personnalité des militaires désignés pour la sale besogne. Ces militaires-assassins nous offrent le modèle de criminels qui ont dévalorisé leurs victimes. Car il n’y a eu aucun égard de la personnalité de Aïssa Diori. En d’autres termes, et même si comparaison n’est pas toujours raison, il est possible d’avancer que les militaires-assassins pour passer à l’acte, ont agi à l’identique de ce que fera un tueur en série relativement à ses victimes, c’est-à-dire « dépersonnaliser » sa victime. Avec le tueur en série nous retrouvons très souvent des éléments de « dégradations » du corps de la victime. pour le cas de Aïssa Diori, le coup de baïonnette pour mutiler le corps.

Autre hypothèse particulièrement capitale et qui traverse, parcourt tout le témoignage de Hado Ramatou, le cœur du crime : ce sont les disparations subites des premiers tueurs : Niandou en proie à ses remords rend l’âme. Mort suspecte, d’où la nécessité de faire une autopsie afin de savoir s’il n’a pas été assassiné par X ; de même que Sani Souna Sido, qui meurt trois ans après. Là aussi il y a aiguille sous roche. Ce faisceau de morts subites, permettent en effet d’avancer qu’il y a quelqu’un qui avait tramé toute cette affaire macabre, et qui certainement n’existe plus. Mais des témoins existent certainement qui sont dans le secret. Je voudrais parler des services secrets nationaux et internationaux. A qui a profité réellement le renversement de pouvoir de l’ex Président Diori ? Qui le Président Diori gênait-il ?

Au total et pour plier cette réflexion, il faut dire que ce témoignage de Hado Ramatou offre aujourd’hui grâce à Internet de faire tomber les masques.La justice du Niger n’a rien à perdre à tenter pour une fois dans l’histoire judiciaire, à ouvrir une instruction et exiger des expertises légistes sur les deux corps du Sergent Niandou, et du Commandant Sani Souna Sido. Ce serait, nous semble-t-il une première pour la justice du Niger d’avoir une première expérience sur la preuve par l’autopsie et l’ADN. Ainsi la Justice ressortira grandie en ayant permis de faire la lumière sur un dossier criminel longtemps considéré comme un cold case.

Notre réflexion se voudrait juste une ébauche de profilage criminel, en attendant la seconde partie du témoignage de Hado Ramatou Diori. Ce qu’il est possible d’avancer de notre point de vue est qu’il y a eu initialement un coup d’état politique qui a dévié, dérapé, mieux qui a déjoué les plans initiaux des commanditaires en chef. Si on suit les propos de Cyril Gabriel, il ressort bien qu’il n’y a avait pas intention de tuer les enfants, mais seulement la Présidente qui doit bien représenter quelque chose d’important, de préférence morte que vivante. L’adage africain dit si bien que : « C’est le cheval que tu engraisses qui te tue ».

Pour nous il est sans ambages que la responsabilité de l’ancien régime est obvie, patente. Il y a eu un tissu de mensonges pour justifier le meurtre de la Première Dame Aïssa Diori afin de camoufler la responsabilité du régime d’alors. Madame Aïssa Diori ne pouvait pas faire face à des mitrailleuses et des blindés avec une arme de poing. Et sachant la présence de toute sa famille dans le palais, il serait folie de sa part de braver des militaires. Le témoignage de Hado Ramatou est donc fiable quand elle soutenait mordicus que sa maman n’avait pas fait face aux militaires arme à la main. Hado Ramatou et toute sa famille ont une chance de savoir la vérité, si chacun apporte sa petite parcelle d’information, pour une catharsis collective : comprendre et pardonner. Paix aux âmes des morts. Et courage à toute la famille Diori.

 Youssouf. M .M

Criminiphilosophe


[1] Dictionnaire des sciences criminelles, sous la dir. De Gérard Lopez et Stamatios Tzitzis, Paris, Dalloz, 2004, p. 208.

[2] « Profilage criminel et profileur », in Profileur, spécialisation ou professionnalisation ? sous la dir. De Laurent Montet, Paris, PUF, 2001, p. 19.

[3] « Profilage criminel et criminologie », in Profileurs, sous la dir. De Laurent Montet, Paris, PUF, 2001, p. 9)

[4] Dictionnaire des sciences criminelles, op.cit., p. 198.

5 avril 2013

Politique : Les Masques tragiques

1-Des gouvernements de Maquignons.

Si d’aucuns pouvaient écouter le conseil avisé du philosophe Epicure, beaucoup d’hommes se seraient éloignés des affaires publiques : car dit-il « Il faut se libérer de la prison des occupations quotidiennes et des affaires publiques » (Sentences vaticanes 58). Pour le philosophe Epicure, la politique est le lieu de tous les tracas, de toutes les sordidités. Plus clairement, l’activité politique ne procure qu’intranquillité. Le philosophe Sénèque a compris dans le tard l’enseignement d’Epicure, et à ses dépends en ayant exercé des responsabilités politiques auprès du tyran Néron. Si pour les Grecs, la politique est par essence l’activité qui définit le mieux le vrai citoyen ; pour Epicure l’abstention politique [le vivre caché (lâthé biôsas)] est plus profitable que l’engagement politique. Plutarque en revanche n’est pas de cet avis, car écrit-il : « Je conçois la politique comme un puits dans lequel ceux qui s’y jettent par hasard et sans calcul en sont inquiétés et s’en repentent, tandis que ceux qui y descendent en s’y étant préparés et après réflexion, pas à pas, conduisent les affaires avec pondération et ne s’irritent de rien, car au fond c’est le bien en soi et rien d’autre qu’ils prennent pour fin de leurs actions » (Plutarque, Conseils aux politiques pour bien gouverner). Si on s’inscrit dans la pensée de Plutarque, il existe deux catégories d’individus qui gouvernent les républiques, d’une part les incapables, c’est-à-dire ceux qui viennent au pouvoir par hasard sans conviction et qui sont les plus nombreux (ceux moi j’appelle : les maquignons), et ceux qui font de la politique leur « vocation », leur « métier » au sens de Max Weber, c’est-à-dire les professionnels qui vivent de la politique, et pour la politique. Plutarque est encore plus explicite dans le passage ci-après, à savoir que l’activité politique n’est pas un passe temps. Il suffit simplement de s’en rendre compte par la kyrielle de partis politiques qui existent dans les Etats africains juste pour susciter des troubles, ou pour avoir quelques petits marchés. Or, c’est ignorer que la politique est une affaire sérieuse. Plutarque souligne : «Il faut donc poser au fondement de l’action politique, telle une base solide et ferme, une orientation qui tient son principe dans le discernement et la raison, et non pas une impulsion venant de la vaine gloire, de quelque goût de la dispute ou du manque d’autres activités : en effet, tout comme ceux qui n’ont rien de bon à faire à la maison passent sur l’agora la plus grande partie de leur temps alors qu’ils n’en ont pas besoin, certaines personnes, qui n’ont rien d’intéressant à faire en privé, se jettent dans les affaires publiques en se servant de la politique comme d’un passe-temps. La plupart de ceux qui ont touché à la vie publique par hasard en son dégoûté mais ne peuvent plus s’en retirer facilement : il leur arrive la même chose qu’à ceux qui montent à bord d’un bateau pour le plaisir du roulis et qui, une fois entraînés en pleine mer, regardent au loin, nauséeux et barbouillés, mais sont contraints de rester sur place et de s’accommoder aux circonstances » (Plutarque, Conseils aux politiques pour bien gouverner). En d’autres termes, quand on vise le gouvernement de la Cité, il ne faut pas y prendre part si on n’a pas la motivation, ni s’y adonner juste pour profiter des affaires publiques. Il faut approcher la politique en tant qu’on veut rendre service à la République, tel le romain Caton, ou Cicéron, et mais non à la manière d’un Sénèque juste pour s’enrichir.

Aujourd’hui le constat est d’une claire évidence, les individus qui se consacrent au pouvoir en Afrique ne visent que leurs seuls intérêts. Les affaires de l’Etat sont transformées en affaires corruptionnelles : des détournements de deniers de l’Etat, la res publica devient la res publica d’une minorité, c’est-à-dire la république de ceux qui sont au pouvoir. Autrement dit, la politique n’est pas l’affaire de tout le monde, mais l’affaire de ceux qui gouvernent. Aussi est-ce à bon droit qu’il y a toujours lutte entre l’opposition et ceux s’accaparent de l’Etat et de ses richesses. En Afrique, il est clair qu’être dans l’opposition, c’est mourir politiquement, c’est-à-dire ne plus pouvoir profiter des privilèges du pouvoir.

L’activité politique étant une lutte permanente, l’homme politique au pouvoir se donne donc toujours les moyens de le conserver, _ quitte à violer très souvent la constitution _, ou à le conserver avec l’aide de l’armée et de milices. Par un tel procédé, la politique chaque fois se dénature en Afrique, et de l’extérieur [les éventuels investisseurs, et la Métropole] on est en droit de s’interroger sur la capacité des hommes politiques africains à bien gouverner, ou pour mieux dire à se passer politiquement et militairement de la Métropole ? Mais au-delà de la médiocrité des dirigeants, ce dont les populations en Afrique ont urgemment besoin n’est-ce pas réellement la sécurité, et un dirigeant ami du peuple ?

 Le philosophe Spinoza écrivait : « Des fondements de l’Etat tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n’est pas la domination ; ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre que l’Etat est institué ; au contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. Non, je le répète, la fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’Etat est donc en réalité la liberté. » (Spinoza, Œuvres II, Traité théologico-politique, chap. XX, Charles Appuhn, Paris, Flammarion, 1998, p. 329). Cette sécurité et cette liberté sont aujourd’hui menacé par la poussée islamiste.

2- Les étranges prisonniers d’un islamisme. 

En Afrique, et en particulier dans le Sahel, l’existence quotidienne est difficile pour les populations. Chaque jour que Dieu fait, les gens s’acharnent à survivre par tous les moyens : par des voies honnêtes ou malhonnêtes (corruption, et criminalité). Comment dans de telles conditions, un individu qui a faim, pourrait-il intérioriser des idées républicaines ? Sa misère, sa pauvreté ne viennent pas des dieux, mais de ceux qui gouvernent l’Etat, et par ricochet, par les activités criminelles des terroristes islamistes. En abandonnant la grande majorité de la population dans la misère totale, l’Etat ne donne-t-il pas la place aux religieux [aux barbus] qui deviennent psychologiquement et matériellement leurs seuls soutiens ? Aussi n’est-il pas étonnant de constater avec quelle facilité, les quartiers pauvres en Afrique sont devenus les endroits où se recrutent massivement le plus d’islamistes, et de radicaux, au rebours de l’Europe, où les islamistes (potentiels) se recrutent paraît-il dans les prisons, et les banlieues.

L’enseignement de Platon sur l’ignorance des « prisonniers enchaînés » dans la caverne est encore d’actualité relativement au phénomène djihadiste. Rétrospectivement, l’allégorie de la caverne de Platon a des ingrédients prophétiques, car face à la poussée islamiste, il est aisé d’observer qu’un grand nombre de croyants sont restés accrochés aux images des fausses réalités projetées par le soleil sur les objets. La vérité sur le Dieu, en tant que le Dieu est la lumière (Platon parle de Soleil), a énormément fait défaut dans les Etats démocratiques laïcs du sahel.

Il nous semble que l’islamisme djihadiste retravaille justement sur ces « fausses images » pour endoctriner les musulmans honnêtes et sérieux qui sont à la recherche de la vraie connaissance de la Divinité. Les élites, les intellectuels, les vrais marabouts ont échoué par peur des barbus, d’éduquer les populations à la vraie katalepsis (saisie) de la divinité. D’où aujourd’hui la mainmise des islamistes sur les consciences de ceux qui sont restés « prisonniers des images » de la caverne de la religion. Le laxisme et la lâcheté intellectuelle reviennent en pleine figure sur tout le monde [tout le monde est coupable pourrions-nous dire aujourd’hui], car depuis des années on a rien fait pour parer à ce tsunami islamiste. Par peur (phobos) d’intriquer religion et raison, religion et savoir critique, les islamistes revendiquent par les armes une islamocratie. Or, quand tout le monde à peur de parler, de dire la vérité de braver les tyrans comme Socrate relativement aux trente (les tyrans de la Grèce du IVe siècle av. J.-C), on donnera le terrain aux fanatiques, aux extrémistes aux sectes djihadistes. L’allégorie de la caverne de Platon que je propose de méditer cadre parfaitement avec notre phobos (peur), et explique grandement pourquoi le djihadisme a depuis longtemps une guerre d’avance sur les Etats africains, car depuis des lustres, personne n’a osé comme le prisonnier de la caverne de Platon qui a contemplé les vraies réalités, les idées intelligibles, revenir renseigner le vrai au peuple, c’est-à-dire l’Islam dans sa quintessence.

Les sectes comme Boko Haram, Ansaru et les organisations comme Al-Qaïda profitent justement de cette ignorance profonde des populations islamisées pour exercer leur domination. Or, contre les islamistes, le philosophe Blaise Pascal enseigne que : « C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cœur, non la raison. Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur, c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement qui n’y a point de part essaye de les combattre. » (Pascal, Pensées). Autrement dit, il ne revient aucunement pas à des individus exaltés, ni à des sectes d’imposer aux autres la vraie religion, ou l’essence de Dieu. Partant, quand des individus peinent à voir la vraie nature du Dieu, ou à sentir le Dieu par le cœur, quand ils demeurent prisonniers des idoles de la religion, il faut les forcer à contempler les vraies réalités, les idées intelligibles à la manière de Platon : « Représente-toi donc des hommes qui vivent dans une sorte de demeure souterraine en forme de caverne, possédant, tout le long de la caverne, une entrée qui s’ouvre largement du côté du jour ; à l’intérieur de cette demeure ils sont, depuis leur enfance, enchaînés par les jambes et par le cou, en sorte qu’ils restent à la même place, ne voient que ce qui est en avant d’eux, incapables d’autre part, en raison de la chaîne qui tient leur tête, de tourner celle-ci circulairement. Quant à la lumière, elle leur vient d’un feu qui brûle en arrière d’eux, vers le haut et loin. Or, entre ce feu et les prisonniers, imagine la montée d’une route, en travers de la quelle il faut te représenter qu’on a élevé un petit mur qui la barre, pareil à la cloison que les montreurs de marionnettes placent devant les hommes qui manœuvrent celles-ci et au-dessus de la quelle ils présentent ces marionnettes aux regards du public. […] Alors, le long de ce petit mur, vois des hommes qui portent, dépassant le mur, toutes sortes d’objets fabriqués, des statues, ou encore des animaux en pierre, en bois, façonnés en toute sorte de matière ; de ceux qui le longent en les portant, il y en a, vraisemblablement, qui parlent, il y en a qui se taisent. […] Peux-tu croire en effet que des  hommes dans leur situation, d’abord, aient eu d’eux-mêmes et les uns des autres aucune vision, hormis celle des ombres que le feu fait se projeter sur la paroi de la caverne qui leur fait face ? » (Platon, La République, livre VII, 514a-515a, Œuvres Complètes II, Léon Robin, M.-J. Moreau, Paris, Gallimard, 1994, p. 1101-1102). Si Platon a raison à travers cette allégorie, que pourrait alors nous apprendre l’Histoire ?

3-L’utilité de l’histoire pour les hommes politiques.

Si les Etats du Sahel avaient profondément « ruminé » le délitement de l’Etat somalien et les conséquences advenues : piraterie et Shebabs, certains Etats auraient évité le terrorisme djihadiste et les prises d’otages. C’est en de telles circonstances que Polybe enseigne l’utilité de l’histoire pour les hommes politiques, les futurs dirigeants, et aussi développer dans le peuple l’intelligence des choses politiques, car dit-il : « Si les historiens qui m’ont précédé avaient omis de faire l’éloge de l’histoire, sans doute serait-il nécessaire d’exhorter un chacun à distinguer les ouvrages tels que celui-ci et à leur réserver un accueil favorable, en songeant que l’homme trouve dans la connaissance du passé la plus instructive des leçons. Mais cet éloge a été fait et refait et autant dire tous les auteurs en ont fait le fondement et le couronnement de leur œuvre. Ils ont souligné que l’étude de l’histoire constitue l’éducation politique la plus efficace et le meilleur entraînement à l’action, et que d’autre part, pour apprendre à supporter dignement les renversements de fortune, l’enseignement qui produit en nous la plus vive impression ou plutôt le seul valable, c’est celui que nous apporte le récit des tribulations d’autrui ». (Polybe, Histoire, livre 1)

Pour Polybe l’histoire donne des réponses, des remèdes aux difficultés dans lesquelles pataugent aujourd’hui les Etats africains : leurs « tribulations » actuelles. Si les hommes politiques et leurs conseillers politiques replongent leurs regards dans l’histoire, il est aisé de trouver des voies et moyens pour recréer et d’adopter de nouvelles pratiques de gestion de l’Etat : Etat ordonné, bien gouverner, respectueux des lois établies, et soucieux de l’intérêt du peuple sans discrimination. De fait, si aujourd’hui les djihadistes s’autorisent à juger les modes de fonctionnement iniques des Etats démocratiques, n’est-ce pas la preuve que les Etats ont échouée à concilier dans la pratique, les principes démocratiques avec l’éthique et l’équité ?

La conséquence palpable de toutes ces décennies de mal gouvernance, de crises politiques, de coups d’Etat, etc., est la naissance d’un animal violent, qui est dans sa pleine activité, et prêt à dévorer toutes les démocraties. A rigoureusement parler, on peut admettre l’idée que ces tares consubstantielles aux Etats démocratiques, ont reconstitué, revitalisé un islamisme radical en latence.Si nous suivons la logique de Platon en de telles matières, l’Etat doit procéder à une purification sociale : « Pour ce qui a trait aux purifications à faire dans la cité, voici comment on pourrait procéder. Parmi les nombreux moyens de réaliser ces purifications, il y en de plus doux et de plus sévères. Les plus sévères, qui sont aussi les meilleurs, c’est un législateur qui serait en même temps un tyran qui pourrait les appliquer. Au contraire un législateur qui établirait une constitution nouvelle et instituerait des lois sans être un tyran, s’il procédait à la purification la plus douce, devrait se réjouir de seulement y parvenir. Or la purification la meilleure est douloureuse, tout comme le sont les remèdes efficaces. C’est celle qui conduit à la correction du coupable au moyen d’un châtiment accompagné d’une vindicte, et qui n’a que la mort ou l’exil comme vindicte dernière : ceux en effet qui ont commis les fautes les plus graves, comme ils sont incurables et constituent pour la cité le dommage les plus graves, il est d’usage de s’en débarrasser. Quant à la plus douce de nos deux purifications, la voici : à tous ceux qui, en raison de leur indigence, se révèlent être prêts, eux qui n’ont rien, à suivre leurs meneurs pour marcher en armes contre les biens de ceux qui en possèdent, à ces gens-là, comme à une maladie connaturelle à la cité, il donne, en raison du soulagement que procure l’euphémisme, le nom de « colonie » et il s’en débarrasse avec le plus de bienveillance possible». (Lois V, 735d-c et 736a, Platon, Œuvres Complètes, dir. Luc Brisson, Paris, Flammarion, 2008, p. 792).

A terme, faut-il le souligner, l’allégorie de la caverne de Platon est encore d’actualité, et il est religieusement thérapeutique de s’en approprier pour libérer les consciences de ceux qui sont restés prisonniers des idoles, des images de la religion.

 Youssouf . M. M

Criminophilosophe.

5 avril 2013

Etat et sécurité : Les jeux de l’amour et du hasard.

Introduction

Il y a plusieurs degrés, plusieurs niveaux de malades mentaux dans la société. Ils ne se ressemblent pas tous, d’où la nécessité des traitements chocs selon les cas. Les terroristes sont dans cette espèce de malades mentaux nécessitant un traitement particulier. Le Léviathan de Hobbes serait-il la panacée ? Comment le bonheur politique et la sécurité peuvent-ils être envisageables sans l’Etat ?

La question est d’importance, car depuis Platon jusqu’à Aristote, et les  stoïciens, il est possible d’avancer que la politique, la chose politique appartient au domaine des choses pensables, même si elle n’est pas une science exacte. Une réflexion sur la politique, ou la vie politique est consubstantielle à la philosophie, car la réflexion philosophique porte sur le monde en général, et la société en particulier. Aujourd’hui, c’est même une tâche difficile de séparer politique et philosophie, politique et sécurité, car la politique, en tant qu’elle intéresse tous les citoyens, tous les corps de la cité politique, est normalement et de droit, l’affaire tout le monde: syndicalisme, élections présidentielles, déclarations télévisées, voyages somptueux etc., à tel point qu’un auteur a affirmé que tout est politique.

L’histoire politique des sociétés bien constituées, ou « favorisées », pour reprendre à notre compte une formule de John Rawls, montre avec claire évidence que, l’Etat est garant de la sécurité des biens et des personnes. Face à la montée en puissance des groupuscules islamistes, ou djihadistes, se pose crûment la question se savoir si l’Etat est plus à craindre que l’absence d’Etat ? En d’autres termes, l’Etat en Afrique doit-il être fort pour écraser les islamistes, ou faible, et laisser la place à l’érection des régimes islamistes ?

I-                   Le premier essai transformé des djihadistes.

Les révolutions au Maghreb, ou ce que les médias appellent le printemps Maghrébin, n’ont pas apporté in fact l’espoir attendu par les révolutionnaires. Leur victoire a surtout profité à ceux qui depuis des années, tapis à l’ombre attendaient cette aubaine : les islamistes de tout acabit : salafistes, frères musulmans, etc. La révolution démocratique a été usurpée au Maghreb. Les islamistes, veulent aujourd’hui étendre leur impérialisme partout dans le monde en l’occurrence dans les Etats secoués par des troubles politiques. Cette islamisation _ religieuse _, nous rappelle l’histoire politique de la Grèce antique, notamment les impérialismes d’Athènes et de Macédoine. Mais il y a eu aussi l’impérialisme européen : la colonisation de l’Afrique. Mais comme dirait Démosthène, laissons le passé être le passé. Aujourd’hui les vieux démons refont surface : l’impérialisme islamiste veut s’accaparer de l’Afrique sans aucun respect des valeurs démocratiques, des croyances ancestrales, des libertés de cultes, de la Culture pour tout dire. Les islamistes, sous la bannière de l’Islam, revendiquent pour tous les Etats, pour tous les hommes, une seule religion, une seule loi, la charia.

Quand des valeurs, des intérêts, des croyances s’opposent, il y a, et il y aura inéluctablement, violence, choc, guerre entre les islamistes djihadistes et les défenseurs de l’Islam laïc, tolérant et respectueux des valeurs démocratiques. L’Afrique de ce XXIe siècle et ses populations toutes religions confondues, ne sont plus des moutons de panurge, mais politiquement parlant des entités, des monades souveraines. Dans les diverses constitutions des Etats démocratiques, la laïcité est reconnue et acceptée par les citoyens. N’étant pas des citoyens civilisés, les islamistes-terroristes, AQMI et associés, et Boko haram, violent la souveraineté des Etats en perpétrant des actions criminelles : attentats, prises d’otages, viols, destructions de mausolées, etc. Vouloir fonder, mieux imposer dictatorialement la charia à des Etats souverains, c’est dans la forme une déclaration de guerre, et un déni de leur souveraineté.

Au sens de Rousseau et de Montesquieu, les islamistes-terroristes ne sont dans la prénotion de l’Esprit des Lois. Dans l’Etat de droit, le peuple incarne la Loi, la volonté générale. La charia, processuellement ne peut pas avoir force de droit. Les populations africaines, à moins que ce ne soit par la crainte ou la force, n’accorderont jamais leur assentiment pour la charia. Plus exactement dans le temps et dans l’espace, la charia arrive on ne peut plus trop retard par rapport aux nouvelles réalités des Etats démocratiques africains. Politiquement et religieusement, les aspirations des populations des Etats du Sahel (par exemple) sont aux antipodes des intérêts dominateurs des islamistes-terroristes. En ayant longtemps savouré les délices de l’Etat démocratique, il est périlleux de leur point de vue, de brader leurs avantages, contre de faux avantages. D’où la résistance qu’elles opposeront forcément aux islamistes-terroristes. Au Mali en l’occurrence, la présence des islamistes-terroristes constitue une menace sécuritaire transversale : insécurité pour les européens, perte économique pour les populations : ni hôtel, ni bar, ni tourisme ; criminalité, crise humanitaire, etc.

Depuis que le rallye Paris-Dakar a été dévié de l’Afrique pour cause d’insécurité liée aux groupuscules islamistes, on peut dire que la souveraineté des Etats démocratiques au Sahel, a été écornée. L’hémorragie s’est poursuivie, et les autorités politiques n’ont pas réglé la question de l’insécurité islamiste avec la rationalité et l’intelligence appropriées. Le retour en puissance de la poussée islamiste, traduit criminologiquement parlant l’échec du politique. L’Etat n’a pas été protégé avec les moyens et les hommes qu’il fallait. Le déficit d’efficacité et la mauvaise anticipation, ont eu raison de l’Etat malien. Le mal, la gangrène islamiste a profité de beaucoup du wait and see des dirigeants poussifs, et in fine a permis aux islamistes, aussitôt après la chute de Mouammar Kadhafi de prendre possession du Mali. Mais si AQMI, le MUJAO, Ansar Dine ont eu l’opportunité de s’enraciner en Afrique, il est juste d’admettre que pour le cas du nord du Mali, c’est grâce aux rebelles Touaregs de l’AZAWAD (MNLA). Une complicité masquée, voire une sorte de pacte de mafieux a permis la victoire de la guerre éclaire des djihadistes face à une partie de l’armée malienne et l’occupation du nord du Mali.

Aussi la question qui coule de source est de savoir si cette invasion islamiste pouvait être évitée ? A qui profite finalement la partition du Mali ? L’armée malienne pourra-t-elle dans l’immédiat reprendre possession de l’intégralité du territoire ? Questions complexes auxquelles nous tenterons d’apporter des éléments de réponses. Mais avant d’y répondre, essayons de procéder comme le flûtiste de Plutarque, afin de montrer criminologiquement qui sont ces islamistes-terroristes qui ébranlent la sécurité des Etats démocratiques du Sahel ? De quoi vivent-ils ?

Selon les autorités mauritaniennes AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique, est l’ancien nom du GSPC : groupe salafiste pour la prédication et le combat, en arabe :al-jamaa atu l-salafiyyatu li l-da wati wa l-qitaal  (sourceWikipédia) pouvait dès le départ être anéanti quand ils se sont réfugiés au nord du Mali. A partir de 2010 : « la branche sahélienne d'AQMI aurait entre 80 et 200 membres et se compose de 2 katibas, celle d’Abou Zeid et celle de Mokhtar Belmokhtar qui a contracté une série d'accords avec des réseaux de trafics divers » (Source Wikipédia). Mais devant la mauvaise volonté du gouvernement malien, ou son incapacité, les islamistes ont trouvé dans le nord le terrain favorable pour inquiéter la Mauritanie, l’Algérie, et le Niger. Aujourd’hui le temps a donné raison, aux inquiétudes de la Mauritanie : AQMI (porte flambeau d’Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden) et ses associés sont devenus une véritable armée, comme au Mexique, disposant de moyens militaires et des billets de banques pour tenir longtemps leurs possessions, et fructifier leurs affaires. Les islamistes-terroristes sont devenus pour employer une formule de Hobbes : des « homo homini lupus », c’est-à-dire un groupuscule de combattants qui fait la guerre contre tous, contre la République, contre la démocratie, contre les droits de l’homme. Par leurs diverses actions militaires, les islamistes-terroristes ont instauré au nord du Mali, un état de nature hobbesien : une anarchie politique, qui brille par l’absence d’Etat. En occupant le nord du Mali : islamistes-terroristes et rebelles Touaregs de l’Azawad sont logés à la même enseigne : ils ont violé la souveraineté territoriale d’un Etat.

Les faits montrent avec force évidence que l’Etat démocratique en Afrique, notamment au Sahel manque de vigueur, d’efficacité. L’Etat n’est pas une abstraction, mais une réalité. Pour Rousseau, l’Etat est entendu comme cette « forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, il reste aussi libre qu’auparavant ». Comment dès lors des islamistes, un groupuscule, qui n’a aucune légitimité démocratique, peut-il s’arroger le droit de commander la volonté générale ? Face à cette prétention de « l’homme loup » = le djihadiste, ou l’islamiste-terroriste, Thomas Hobbes et Max Weber fournissent amplement des solutions pratiques et pragmatiques.

Dans la perspective de Thomas Hobbes, les désirs de « l’homme loup » d’instaurer la crainte, la terreur, le désordre, l’insécurité aux moyens de la guerre, doivent être annihilés, contrés par le Léviathan, le prince. Autrement dit, dans un Etat démocratique qui reconnaît et respecte les droits de l’homme, au nom de la sécurité des biens et des personnes, l’Etat doit incarner la force. Au sens de Max Weber, puisque l’Etat incarne la souveraineté et la force, il doit user et disposer de l’exercice effectif des appareils répressifs de l’Etat : la police, la gendarmerie, et l’armée. La problématique du terrorisme islamiste peut-être resituée et traitée à l’aune de la figure du Léviathan de Hobbes.

En Afrique on sait d’habitude comment accéder au pouvoir, mais dans la pratique on est incompétent [incapable] face à certaines situations, de la conserver efficacement, non pas contre ses adversaires politiques, mais contre les ennemis extérieurs à la République qui attentent à la sécurité nationale, et régionale. Le Mali, le Niger, la Mauritanie, la Libye, ont maille à défendre et sécuriser leurs territoires et leurs populations.

Dans le onzième discours de Zarathoustra de Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche fait le procès de la condamnation de l’Etat, en tant qu’il est « le plus froid des monstres froids ». Mythe ou réalité ? Si Nietzsche pouvait avoir raison en son temps, car la philosophie comme les pensées sont filles de leurs époques, aujourd’hui il y a nécessité de relativiser, et de montrer qu’il faut l’Etat, mieux l’Etat est un mal nécessaire en Afrique. Le cas de la Somalie que nous verrons, corroborera notre analyse. Pour l’heure posons courageusement que les islamistes-terroristes sont des anarchistes, car ils peuvent se passer de l’Etat en vivant comme des hors la loi dans les montagnes et dans les déserts. Dans la formule de Nietzsche, il faut mieux dire que ce sont les islamistes-terroristes qui incarnent véritablement les monstres froids et non plus l’Etat. Car aujourd’hui le djihadisme renverse la formule Nietzschéenne : « moi, le Djihadiste, je suis le peuple », et voici le mensonge qui coule de sa bouche. Il ressort dans leur langage le discours destructeur : tout ce qui est « occidental est mauvais », l’Occident est contre l’Islam, contre la burqa, contre le voile, contre la viande halal, contre les musulmans, etc.

La vérité est que les Etats africains ne doivent pas faire les frais de la mauvaise intégration de certains islamistes qui se révoltent contre l’Occident et ses valeurs. L’Afrique ne doit pas être un dépotoir des conflits extra africains. Aussi est-il temps que les dirigeants représentent efficacement le Léviathan sans Etat d’âme.

Le nord du Mali ainsi que nous le savons, a été coupé de sa partie sud. Le nord a subi une occupation djihadistes. L’Etat étant un ensemble, une totalité, comment dans de telles conditions, les populations du nord peuvent-elles vivre sans le Tout que représente l’Etat ? Les populations maliennes du nord furent tout bonnement des otages grandeur nature des djihadistes et des rebelles Touaregs.

Nous partirons du cas de la Somalie comme Etat-matrice des termes extrêmes liés à la déliquescence des institutions politiques, afin de montrer criminologiquement, l’insécurité consubstantielle [toujours latente] aux régimes démocratiques africains.

II-La dialectique de l’insécurité : de la piraterie au terrorisme shebabs.

 Le mot dialectique a une longue histoire qui remonte aux présocratiques comme Héraclite jusqu’à Hegel et Karl MARX pour ne citer que ces figures marquantes de la dialectique. Partant donc de l’histoire du concept, il y a une diversité d’acceptions, mais pour notre propos, nous voudrions nous appesantir sur le sens marxiste pour dire dans une formule simpliste que la dialectique est le passage d’un état inférieur ou d’une situation, à un état supérieur qui constitue son point culminant. Nous traiterons alors de la situation désastreuse de la somalie en tant de failed state, qui a ouvert la boîte de pandore à une criminalité dialectique, qui pourrait sans traitement approprié prendre à long terme la forme d’un terrorisme hybride : pirato-islamiste.

La question de la piraterie somalienne continue de faire la Une des médias internationaux, nonobstant la forte présence des navires de guerre des forces coalisées. Avant de rentrer dans ce que nous considérons comme une causalité duelle, je voudrais rapidement brosser la situation politique de ce pays, et montrer pourquoi cette piraterie risque de longtemps perdurer si on ne coupe pas la tête du serpent comme le héros Persée a procédé concernant la Méduse (une des trois gorgones extrêmement belle).

 La somalie a profité du règne du défunt président Syad Baré qui a donné une certaine instabilité au pays, entre 1969 à 1991 qui coïncida avec sa chute. Après lui ce fut un autre général qui le succéda, Ali Mahdi Mohamed mais se dernier va être à son tour confronté aux luttes des factions. A l’heure actuelle, malgré la nomination d’un islamiste modéré en la personne de Cheikh Charif Cheikh, le pays est toujours en proie à la violence et à l’opposition de la faction islamiste : les Shebabs qui refusent toute participation au gouvernement. Cette violence quotidienne des guerres des factions et l’activité de la piraterie ont plongé la région en une zone de non-droit propice à la perpétuation d'activités criminelles. Et à partir de 1990-1991, nous rentrons de plain-pied dans l’érection de la piraterie.

Pourquoi la piraterie est-elle devenue une criminalité ? Pour y répondre, nous établirons deux causalités : une première que nous qualifierons de jus, i.e de légale, et l’autre illégale qui est le fait du grand banditisme sous la mainmise des tribunaux islamistes et d’Al-Qaïda, et du gouvernement autonome du Puntland.

Selon la convention sur la haute mer (art. 15), la piraterie est entendue comme : « Tout acte illégitime de violence, de détention, ou toute déprédation commis pour des buts personnels par l’équipage ou les passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, et dirigé (a) en haute mer, contre un navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord… »

Il a fallu le 4 avril 2008 avec l’attaque du navire de croisière le Ponant pour que les regards du monde entier s’intéressent finalement et avec sérieux sur la dangerosité de la piraterie somalienne, de la nouvelle piraterie aux  larges des côtes somaliennes, Golf D’Aden entre la Somalie et le Yémen. L’attaque du Ponant ne fut pas un acte anodin, car les pirates qui au départ allèguent le fait que les navires étrangers européens, et asiatiques viennent piller les fonds marins de leurs côtes vont outrepasser la légalité de leurs actions pour s’en prendre à des navires touristes qui n’ont rien à voir avec la pêche. L’attaque du Ponant consacre donc les pirates somaliens définitivement comme des « bandits de mers » qui détournent (hijacking) les navires sans exception, rien que pour les rançonner.

Nous quittons donc la catégorie défendable de « pirates pêcheurs », des pauvres populations vidées de leurs ressources premières le poisson, en tant qu’ils se définissaient naturellement comme les gardes-côtes de leur mer en l’absence d’un gouvernement légitime, pour la catégorie criminelle de pirates hautement organisés et renseignés. C’est cette nouvelle catégorie qui constitue la cible de toutes les résolutions du Conseil de sécurité, et des forces militaires des nations coalisées dans la lutte contre l’insécurité induite par les attaques des pirates somaliens. Les complicités sont internes et internationales, car la piraterie, force est de le constater au regard des millions de dollars qu’elle génère fait les beaux jours des organisateurs/commanditaires, et surtout de l’Etat indépendant du Puntland qui excelle fort dans cette activité.

Le journaliste JAY BAHADUR, qui a séjourné dans le Puntland a pu s’entretenir avec un leader de cette piraterie, et les propos de ce chef pirate, BOYAH illustre bien, qu’il y a même une fierté pour ces pirates de hijacker, car dans leur entendement c’est une guerre juste contre les navires étrangers qui ne paient plus de taxes de pêche depuis le vide politique créé par la chute de Syad Baré.

Mais ce que BOYAH ignore, ce que nous ne sommes pas dans un monde animal, où règne la loi des instincts, mais dans un monde où existent des lois nationales, internationales qui condamnent et répriment justement la piraterie, les détournements de navires et la prise d’otages. Par de tels actes, les pirates et leurs assimilés sont des hors la loi, et méritent des poursuites et des condamnations pénales. Mais le hic demeure : à qui doit revenir le droit de les poursuivre et de les juger en l’absence d’un gouvernement souverain ?

Politiquement, la Somalie est un pays balkanisé, laissé aux mains des insurgés, qui rackettent mêmes les organisations humanitaires. Pires les attaques sont dirigées même contre les navires de la PAM. D’où la mise en place par la France de forces d’escortes pour protéger les navires humanitaires. Telle est par exemple l’une des missions de la Force ATLANTE depuis 2009 dont le mandat arrive bientôt à expiration en décembre 2010.

Stratégiquement, la France est solidement implantée dans la région, disposant d'importants moyens militaires prépositionnés à Djibouti, à l'entrée de la mer Rouge. Mieux, depuis la LOPSI 2, la mission de sécurité intérieure ne se limite plus au cadre interne du territoire nation et à sa métropole, mais intègre aujourd’hui la dimension de la sécurité extérieure, telle que stipulée par le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale : la lutte contre le terrorisme et la piraterie, est clairement formulée par la LOPPSI. C’est conscient de cette réalité de l’insécurité et surtout de la mondialisation du crime organisé et du terrorisme qui portent atteinte aux intérêts de la France dans tous les domaines, que la France coopère avec certains Etats européens et le Conseil de Sécurité pour lutter contre les pirates. Mais cette lutte globale contre la piraterie respecte-t-elle sérieusement les procédures de droit pénal ? Ne viole-t-elle pas les lois du Droit Maritime ?

Suite : http://www.edilivre.com/la-dialectique-d-une-insecurite-moussa-youssouf-ma.html

 Youssouf Maiga Moussa

Criminophilosophe

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